Centre d’accueil du parc Petroglyphs

La prononciation et le système d’écriture de l’anishinaabemowin

Le billet d’aujourd’hui provient de DJ Fife, gardien de parc au parc provincial Petroglyphs. DJ profite de chaque occasion disponible pour promouvoir la préservation de l’anishinaabemowin lors des programmes au parc et dans la vie quotidienne. DJ a enseigné l’anishnaabemowin pendant plusieurs semestres au Collège Georgian à Barrie et lors de quelques autres événements culturels.

Pour lire la langue anishinaabemowin, il faut comprendre le système d’écriture de ce peuple.

Diverses écritures populaires ont été utilisées et le sont encore aujourd’hui, mais le système d’écriture le plus répandu est le système phonétiquement cohérent à double voyelle appelé « Fiero ».

Voici une brève description du système :

Il faut savoir que les 26 lettres de l’alphabet romain sont utilisées et que certains sons ne figurent pas dans l’ojibwé traditionnel (il n’y a pas de lettre F, L, R, V et X).

Les voyelles sont représentées comme suit :

aa – sonne comme le « â » dans « bâtiment »; ce son peut également se prononcer comme le « e » court dans « je » ou dans « aqueduc », qui pourrait presque être écrit comme ceci :  « aqu’duc »

i – sonne comme le « i » dans « pitre »

ii – sonne comme le « i » dans « frise »

o – sonne comme le « o » court dans « obéir » ou comme le « ou » dans « troupe »

oo – se trouve quelque part entre le « au » dans « gauche » et le son « ou » dans « loupe »

e – sonne comme le « è » dans « grec », mais il peut également se produire avec une certaine variance selon les différents dialectes et sonner un peu comme le « a » dans « satellite »

Les consonnes sont représentées comme suit :

B – comme dans « beau »

p – comme dans « patate »

ch – comme dans le « tch» de « tchador »

j – comme dans « jaser »

d – comme dans « do »

t – comme dans « patte »

g – comme dans « gorge », et lorsque suivi d’un « n » il sonne comme dans « Agnès »

k – comme le « k » dans « kiosque »

h – n’est pas un son courant, mais il sonne comme le « h » dans « hello » en anglais; certaines personnes qui écrivent l’anishinaabemowin utilisent également ce son comme arrêt glottal, notamment dans « oh » et dans « ah » ou dans « eh-oh»

m – comme dans « maman »

n – comme dans « nom »

s – comme dans « Smith »

z – comme dans « Zappa »

sh – comme dans « Sherwood »

zh – comme le « j » dans « jeûne » ou dans « bonjour»

w – comme dans « wagon »

y – comme le « i » dans « miel »

Certaines consonnes sont apparentées (c’est également le cas en français) et peuvent dans une certaine mesure être intechangeables. Voyez comme de nombreux sons ne se distinguent que par un changement subtil de sonorité : « b » / « p »; « ch » / « j »; « t » / « d »; « g » / « k »; « s » / « z ».

Certains sons nasaux qui existent en langue anishinaabemowin n’existent pas vraiment en français et il est difficile de les comparer. De plus, les personnes qui ne sont pas habituées au système à double voyelle peuvent être surpris par des prononciations qui vont à l’encontre de leurs attentes. À titre d’exemple, le mot « baie » prononcé en utilisant le système de double voyelle, rime avec le mot anglais « caisse » et non avec le mot « mai » comme on aurait pu s’y attendre.

Je ferai une dernière remarque pour les personnes qui ont déjà eu accès à des écrits anishinaabemowin, à savoir qu’il peut y avoir une certaine variance dans les façons d’écrire qui sont le reflet de dialectes.

Briser les mots en syllabes

L’anishinaabemowin est typiquement parlé en « pied métrique » ou une alternance rythmique d’accents toniques de syllabe en syllabe. En regardant un mot anishinaabemowin, on peut observer l’appariement fréquent de consonnes et de voyelles. En fait, le mot « Anishinaabemowin » lui-même peut se décomposer en grappes de voyelles et de consonnes appariées : a?ni-shi-naa-be-mo-wi-n.

La structure de la langue japonaise est similaire. Pensez aux noms d’entreprises japonaises qui nous sont familières : To-yo-ta, Mi-tsu-bi-shi, To-shi-ba. Les accents toniques sont alternés, comme avec NI-shi-NAA-be. Dans la plupart des régions du Sud où l’anishinaabemowin est parlé, les voyelles les moins allongées sont presque entièrement omises dans la plupart des prononciations. C’est pourquoi on utilise l’orthographe et la prononciation « nishnaabemwin » dans de nombreuses régions du Sud, et plus particulièrement sur l’île Manitoulin.

Essentiellement, ce qu’il faut retenir ici, c’est que les termes « Anishinaabe » et « nishnaabe » sont une seule et même chose; seule une différence de prononciation régionale les distingue.

Noms animés et non animés

Outre le type d’écriture actuellement utilisé, la langue anishimaabemowin possède quelques caractéristiques intéressantes par rapport à la langue française. À l’instar du français qui s’articule autour d’une dichotomie masculin/féminin, l’anishinaabemowin s’articule autour d’une dichotomie animé/inanimé.

Généralement, la détermination du caractère animé ou inanimé se fait de façon assez intuitive, mais certains objets sont considérés comme étant animés alors qu’on ne s’y attend pas et il n’y a pas toujours d’explication vraiment rationnelle pour cet état de choses; c’est un trait culturel qui s’apprend en y étant exposé.

Orignal femelle dans un lac

Il est évident qu’un chien, un arbre, un insecte ou un esprit sont des mots animés, mais un pot, une raquette, la glace et la neige le sont aussi. L’eau, le feu, la table, le livre, le bras ou la jambe sont des mots inanimés, tout comme le sont les mots-concepts comme repas, langue ou chanson.

La quatrième personne

Une autre caractéristique intéressante de la langue anishinaabemowin est l’obviatif ou la 4personne. De nombreux locuteurs de langue française sont familiers avec les termes et les concepts de la 1re, la 2e ou la 3e personne. Je (1re personne) vous parle (2e personne) de lui (3e personne). Dans les langues algonquiennes, on fait aussi une distinction pour la 4e personne (à une certaine époque, et encore aujourd’hui dans certains cas en langue cri, pour la 5e, la 6e et la 7e personne).

Voici un exemple de la manière dont est désignée la 4e personne :

« Jean (3e personne) a rencontré Thomas (4e personne), puis il s’est enfui ».

En français nous devons préciser lequel des deux hommes s’est enfui : « Jean (3e) a rencontré Thomas (4e), puis Thomas s’est enfui »

En anishinaabemowin, la personne n’a pas besoin d’être réitérée. En ojibwé, pour désigner la 4personne « an » (souvenez-vous, cela se prononce comme « onne ») dans la phrase « Jean a rencontré Thomas, puis il s’est enfui » nous avons quelques options :

Option 1 : « Jean a rencontré Thomas-an, puis il s’est enfui-an », ce qui signifie que Thomas s’est enfui.

Option 2: « Jean a parlé avec Thomas-an, puis il s’est enfui », ce qui signifie que Jean s’est enfui.

Et voici les versions anishinaabemowin de ces phrases (écrites dans un style du Sud, quelques lettres en moins) pour ceux que cela intéresse :

Option 1 : « Jean gii-nkweshkwaan Thomas-an, mii-sh gii-ni-maajiibtoowan»

Option 2 : « Jean gii-nkweshkwaan Thomas-an, mii-sh gii-ni-maajiibtoo»

Un autre avantage intéressant du fait de désigner la 4e personne est que celle-ci permet plus de souplesse dans l’ordre des mots.

Vous pouvez dire : « Jean et Thomas-an se sont rencontrés, puis il s’est enfui » ou « Thomas-an et Jean se sont rencontrés ». Les deux formes sont grammaticalement acceptables, bien que certains ordonnancements soient plus couramment utilisés que d’autres.

Vous voulez en savoir plus?

Il existe de nombreuses ressources offertes en ligne et sur support papier à ce sujet. Voici les liens à deux de mes articles sur la langue anishinaabemowin :