Photo d’époque du personnel assis près de l’enseigne du parc

La grande tournée de la retraite à PO : Charleston Lake

Attachez votre ceinture pour le voyage de votre vie! L’interprète David Bree s’apprête à nous plonger dans les vieux souvenirs.

Après 32 ans, la fin est proche.

Bonjour, je m’appelle David Bree et j’ai travaillé plus de la moitié de ma vie à Parcs Ontario comme interprète (également connu comme naturaliste de parc).

En étant à ma dernière année en tant qu’employé de Parcs Ontario, j’ai entamé une tournée nostalgique des parcs où j’ai travaillé.

Accompagnez-moi alors que je reprends contact avec certains des grands paysages naturels de l’Ontario, en découvrant ce qui a changé et ce qui est resté inchangé dans ces parcs.

Allons-y, sans hésiter

En tête de liste, à juste titre, est mon premier parc, le parc provincial Charleston Lake.

Employé en uniforme

Je tardais à prendre un emploi dans les parcs, passant la majeure partie de ma vingtaine comme universitaire et géologue prospecteur. En1988, j’étais dans ma quatrième année d’un projet de maîtrise de deux ans. Rien n’allait bien, les expériences ne fonctionnaient pas, ma bourse était épuisée, alors je tergiversais en trouvant joie et réconfort dans mon exploration personnelle du milieu naturel.

Je qualifie mon activité d’exploration de personnelle, mais je la partageais avec mon épouse qui travaillait déjà comme naturaliste au parc provincial Sandbanks. Un jour de la fin juin 1988, elle est rentrée à la maison et a annoncé que le naturaliste de Charleston Lake venait d’accepter un autre emploi et qu’on cherchait un remplaçant – maintenant!

Hé! Une occasion d’oublier mon idée de maîtrise, de continuer d’en apprendre sur la nature et d’être rémunéré.

J’ai emprunté la voiture d’un ami, je me suis présenté à l’entrevue et j’ai été embauché le lendemain. J’étais au bon endroit au bon moment. J’étais loin de me douter que ce coup de chance serait le début d’une carrière de toute une vie.

Revisiter

Le 11 juin 2020, j’ai fait deux heures de route jusqu’à Charleston Lake.

J’y suis retourné plusieurs fois depuis, mais aujourd’hui, cela m’a semblé différent. J’étais un peu nerveux, un peu fébrile, et il était facile de revenir 32 ans en arrière. Bien que j’aie été quelques fois à Charleston Lake comme visiteur avant de commencer à y travailler, j’ai appris que travailler dans un parc donne une perspective différente.

Enseigne du parc

Il devient le vôtre, vous en prenez soin, vous apprenez ses secrets et ses humeurs, et la relation devient très personnelle.

Votre premier parc, comme votre premier amour, reste toujours spécial.

Je suis arrivé tôt et je me suis immédiatement dirigé vers mon sentier préféré – Quiddity.

Direction les sentiers

Quiddity est un petit sentier, mais il valorise merveilleusement la diversité naturelle du parc : une forêt, deux promenades sur des marécages arbustifs et un observatoire rocheux, le tout en moins de 2 km.

Départ du sentier

Le départ du sentier n’est qu’à quelques pas du Centre de la nature, où j’ai travaillé il y a 30 ans; il était donc facile de faire une promenade sur le sentier Quiddity. Pendant quatre ans, j’ai fait au moins un relevé par semaine, enregistrant toutes les fleurs qui prospéraient le long de ce sentier. Plus de 50 espèces ont été recensées.

Vue depuis la promenade

Aujourd’hui, j’en ai relevé une douzaine, dont la lysimaque thyrsiflore dans le marais et la viorne à feuilles d’érable dans la forêt. Il serait intéressant de voir si les dates de floraison ont changé en trois décennies. Ça pourrait être un projet de retraite.

Vole… libellule!

C’est ici même que j’ai développé une fascination pour les libellules qui m’a suivie toute ma vie.

Il y en avait tellement, et toutes de couleurs différentes : jaune, rouge, vert, bleu, certaines avec des motifs, d’autres unies. Mais à quelles espèces appartenaient-elles ?  En tant que naturaliste du parc, je devrais le savoir, je voulais le savoir. Mais il n’y avait pas iNaturalist où afficher des photos; en fait, il n’y avait pas d’Internet ni même de photos numériques.

Deux libellules

Prendre une photo pour la montrer à quelqu’un nécessitait une attente d’une semaine ou plus, car la pellicule était envoyée pour être développée. Vous ne saviez même pas si votre photo était nette jusque-là!

Il n’existait aucun guide de terrain traitant des libellules et le guide technique était épuisé. Même la bibliothèque de l’Université Queen’s ne l’avait pas. J’étais sans ressources. En effet, j’ai dû attendre plus de cinq ans avant que le guide technique ne soit réimprimé et que je puisse commencer à identifier les libellules.

Entretemps, j’ai quitté Charleston Lake, mais les images de libellules virevoltantes et la joie qu’elles m’ont apportée sont restées gravées dans ma mémoire jusqu’à ce jour.

Ma récente visite ne m’a pas déçu. Il y a toujours des libellules sur le sentier Quiddity.

libellule

Mon étude des libellules a chuté ces dernières années, car ma vue a commencé à baisser et mes réflexes de capture ont ralenti, mais le sentier Quiddity m’a permis de prendre des photos de tous côtés dans un enthousiasme renouvelé (la photographie numérique est tellement géniale!).

J’ai facilement identifié plus d’une douzaine d’espèces en une heure, dont deux espèces rares en Ontario, l’æschne pygmée et le gomphe fourchu. Ce dernier était en couple dans une roue, une configuration d’accouplement unique aux libellules et demoiselles.

Redécouvrir Découverte

L’observatoire rocheux au bout du sentier était aussi joli que dans mes souvenirs. C’est là que j’ai eu la sensation du granit sous mes bottes une fois de plus. La plus grande partie de ma carrière de géologue et les cinq premiers parcs où j’ai travaillé se situaient sur le Bouclier canadien.

Pied foulant un rocher

Il y a quelque chose dans le fait de sentir la racine profonde et ancienne du continent sous vos pieds qui vous relie au Canada « sauvage ». Cela m’a manqué à Presqu’ile.

Le Centre Découverte n’était pas ouvert, je n’ai donc pas pu aller voir mon ancien bureau, mais j’ai vu le cercle du feu de camp derrière. C’était essentiellement le même, un espace réduit et intime.

C’est ici que mon superviseur, Mike, et moi avons prouvé à plusieurs reprises que l’on pouvait présenter des programmes de chant amusants et éducatifs avec deux types qui ne jouaient d’aucun instrument de musique et qui chantaient comme des corneilles.

Deux employés interprétant un sketch

Nous avons présenté de nombreux sketchs.

Pour les chansons, j’ai appris à me fier aux jeunes filles du premier rang qui tapaient dans leurs mains avec enthousiasme comme les Guides afin de garder le rythme et la cadence que je perdais inévitablement par moi-même.

J’ai appris la chanson d’action – « Swimming-Swimming in Charleston Lake » » – que j’ai emportée avec moi de parc en parc pendant les deux décennies suivantes, en changeant le nom du lac en fonction de l’endroit où je me trouvais.

De bons souvenirs, mais un guitariste aurait été un atout.

Le rêve d’un géologue

J’ai traversé l’écran d’arbres jusqu’au terrain de camping Bayside qui il y a trente ans était essentiellement un champ.

Il était maintenant bien boisé et les emplacements sont enclos et privés. Beaucoup de ces arbres avaient été plantés juste avant que je ne commence à travailler.

En tant que géologue, le sentier Sandstone Island Trail m’a toujours attiré. La géologie et les paysages uniques de l’Ontario sont mis en valeur le long de son premier kilomètre et demi. Ici, des conglomérats et des grès datant de 500 millions d’années reposent directement sur un granit datant d’un milliard d’années.

David dans un abri rocheux

On peut observer le phénomène à un endroit. Ce non-conformisme est rarement visible et rend les géologues très enthousiastes – vraiment, demandez-leur! Les abris rocheux sont plus attrayants visuellement. Le grès et le conglomérat se sont érodés à des rythmes différents, formant des surplombs.

Ces formations rocheuses ont produit des artefacts qui indiquent qu’elles ont abrité d’anciennes bandes de chasseurs des Premières Nations et les premiers voyageurs français. Les abris rocheux ont la même apparence que lorsque je les ai visités au cours de mes randonnées.

La géologie ne change pas beaucoup, du moins pendant la durée d’une vie humaine. Mais rien n’est immuable, et ces abris s’écrouleront un jour, un fait que j’ai toujours aimé souligner lors de mes promenades guidées pour faire bouger les gens.

Découvertes forestières

Tous les changements que j’ai constatés n’étaient pas bons. J’ai été bouleversé de ne pas entendre une seule paruline azurée le long du chemin où chantaient sept mâles autrefois L’actuel naturaliste du parc, Chris, m’a dit que cette espèce en danger avait disparu quelques années auparavant, mais je ne voulais pas le croire.

Bien que la forêt semble en bonne santé ici, leur absence indique qu’aucun parc n’est un havre et que beaucoup de nos oiseaux ont besoin d’un habitat et de protection partout sur le continent américain.

Vue d’un sentier

Quoique la majeure partie de la forêt soit belle, j’ai remarqué un peu d’herbe à l’ail envahissante à quelques endroits. Bien qu’elle le sache probablement, j’ai décidé de le mentionner à l’écologiste de la zone et directrice.

En 1988, il n’y avait pas d’écologistes de zone et personne en particulier ne s’occupait du bien-être écologique du parc. Cette tâche incombait à chaque employé du parc. Selon l’intérêt, les connaissances et l’expérience, ce type de travail pouvait être négligé.

Fondamentalement, nous laissions l’écologie s’occuper d’elle-même et nous nous préoccupions simplement du service à la clientèle. Aujourd’hui, nous contrôlons les espèces envahissantes, nous effectuons des travaux de restauration, nous détournons les sentiers pour éviter les zones sensibles, et bien plus encore.

De près et en personne

Je devais passer à l’amphithéâtre, le site de ma première présentation officielle du parc.

Il semble toujours le même. C’est l’un des plus beaux amphithéâtres des parcs de l’Ontario. On y accède par une crête rocheuse et il est entouré d’une magnifique forêt de feuillus.

Amphithéâtre

Un tel cadre naturel peut cependant réserver son lot d’inconvénients. Je me souviens nettement de la soirée où mon discours a été interrompu par une grosse rainette d’arbre grise tombant de l’arbre au-dessus et atterrissant avec un bruit sourd sur la scène devant moi. Heureusement, elle allait bien, et après un bref exposé sur les grenouilles d’arbre, je l’ai replacée dans la forêt et j’ai continué ma présentation.

Une autre soirée a été interrompue lorsque deux chouettes rayées ont tenu une longue et très forte conversation juste au-dessus de nos têtes. Avec leurs allées et venues au-dessus du public, je ne pouvais que m’asseoir avec les visiteurs et passer de mon allocution à un exposé sur les chouettes (et sur leur impolitesse occasionnelle).

Chouette rayée

Aucun naturaliste de parc ne peut rivaliser avec la réalité. Pourquoi le voudrait-il?

Le programme s’est avéré bien meilleur que celui que j’avais préparé. Je ne me souviens pas du sujet de mon allocution ce soir-là, ni même si j’y suis retourné, mais je me souviens assurément de ces chouettes et je suis sûr que le public s’en souvient aussi.

Retour dans le passé

Avant de quitter Charleston Lake, je me suis fait un devoir de passer au bureau pour dire bonjour.

Amanda, la commis du parc, était là. Les commis des parcs sont la colonne vertébrale de l’administration d’un parc. Bien que le public ne les voie pas beaucoup, ils tiennent les budgets des parcs et sont les personnes-ressources pour obtenir des informations sur les dépenses ou les salaires et les avantages.

Comme je le dis toujours à mes employés – soyez aimables avec les commis, ce sont eux qui veillent à ce que vous soyez payés!

Amanda était là il y a 32 ans quand je suis entré pour la première fois dans le bureau. Elle ressemble beaucoup au jour où elle m’a fait signer mon premier contrat de parc. À l’époque, elle prenait aussi des réservations de camping qui étaient rédigées sur de grands panneaux d’affichage.

Une annulation l’obligeait à prendre une gomme pour libérer l’emplacement. Un système rudimentaire, mais qui fonctionnait bien.  Aujourd’hui, elle semblait un peu déconcertée par ma nostalgie alors que je remémorais la place qu’elle a occupée dans ma vie. Elle a probablement mis en œuvre des centaines, voire des milliers de contrats dans sa carrière, mais celui qu’elle a conclu pour moi a été un tournant dans ma vie.

Photo d’époque du personnel assis près de l’enseigne du parc

J’ai découvert que malgré le fait d’avoir été propulsé dans ma première saison d’été sans expérience et avec peu de temps de préparation, j’avais un don pour la narration.

Cela, conjugué à un amour de la nature et de l’histoire et à un désir d’apprendre, m’a parfaitement positionné en tant que naturaliste du parc.

Qui aurait cru?!

J’ai entrepris ma transition de géologue à naturaliste et j’ai travaillé quatre glorieuses saisons à Charleston Lake avant de passer à mon prochain parc : le parc provincial Bon Echo.