Un fantôme au grenier

Le billet d’aujourd’hui nous vient de Sam Alison, qui était chercheuse de la couleuvre obscure de Parcs Ontario au parc provincial Murphys Point

Je dois avouer qu’à l’âge de sept ans, j’étais un peu nerveuse à l’idée de passer la nuit au chalet de mon arrière-grand-mère. Lors de la réunion de famille, j’avais entendu parler de la créature apparemment mythique qui vivait au grenier…

… une créature si douée pour se cacher que vous ne saviez jamais où elle se trouvait à un moment donné.

… une créature si longue qu’elle pouvait s’enrouler sur l’encadrement de la porte si elle en avait envie.

… une créature si fascinante que tout le monde avait une histoire à raconter à son sujet.

Quelle était cette créature? Où était-elle? J’étais fascinée.

J’ai passé nos vacances en famille à la recherche de cette légende. Ce que je ne savais pas, c’est que cette aventure a guidé ma future carrière.

Un diplôme universitaire en poche et plusieurs années plus tard, je suis toujours à la recherche de la plus longue espèce de serpent au Canada – la couleuvre obscure.

La fille et la couleuvre

À vrai dire, au début, j’étais aussi incertaine des résidents de notre chalet que j’étais curieuse de les voir.

Après une recherche fructueuse, j’ai découvert que la couleuvre obscure aime se prélasser dans les endroits les moins pratiques, comme sur l’encadrement de la porte que vous alliez franchir.

Ce comportement m’était étrange et je ne comprenais pas pourquoi elles agissaient de même. Je n’avais pas forcément peur des serpents, mais je me méfiais d’eux.

A long thin snake, light and dark grey in colour, resting on a deep window sill.

J’aurais ressenti cela pendant longtemps, si ce n’était pour un nouvel ami que je me suis fait au début de ma carrière dans les parcs.

Au cours de ma première année d’université, j’ai travaillé au parc national des Mille Îles où j’ai dirigé leur centre d’accueil pendant l’été.

Une responsabilité principale de mes tâches était de prendre soin d’une timide couleuvre obscure qui s’appelait Willow. J’ai enfin eu la possibilité d’apprendre à connaître cette créature qui avait été un tel mystère dans mon enfance.

A grey snake sticking its head out of a grey sweatshirt pocket

Après quelques leçons sur les soins à apporter aux serpents et sur leur manipulation, ma méfiance s’est dissipée. M’occuper de Willow était une activité fascinante, et j’ai commencé à me faire une idée de ce qu’elle aimait et de ce qu’elle n’aimait pas.

Elle adorait les boucles d’oreille en forme d’anneau, les poches, les cheveux longs et s’amuser dans le bac à sable. Lorsque le centre d’accueil était occupé et qu’elle se sentait débordée, elle me pressait doucement le bras pour me faire savoir qu’il était temps de marquer une pause.

Mais par-dessus tout, elle était très espiègle, cherchant des occasions de se faufiler dans des endroits dont elle savait qu’il me serait presque impossible de l’extraire.

Qu’il s’agisse d’une excursion dans le dos de ma chemise pendant une présentation, ou de la décision de se faufiler dans tous les passants de ceinture de mes pantalons, elle me tenait bien occupée.

Un rapport personnel

J’ai fini mon été avec Willow en ayant envie d’en apprendre davantage. Et une fois mes études de premier cycle universitaire terminées, je me suis inscrite à un stage en herpétologie.

J’ai passé un semestre au Scales Nature Park, à travailler avec leurs différents reptiles et amphibiens, dont les couleuvres. C’est dans ce zoo que j’ai réalisé que travailler avec les serpents était une activité unique en son genre.

A grey and white snake on a piece of wood, looking at the camera.

Ils pouvaient être frustrants, adorables, nauséabonds et divertissants tout à la fois. J’étais étonnée de constater que chaque serpent, même identique, avait son propre ensemble de goûts et de dégoûts qui le distingue. C’était une révélation pour moi qu’une créature aussi apparemment inexpressive et muette puise avoir une « personnalité ».

Mes collègues scientifiques vont probablement s’offusquer de cette personnification, mais je n’ai pas d’autre façon de décrire ces particularités.

J’avais pensé que les serpents étaient des créatures froides et distantes, mais j’avais tort. Une fois que vous voyez la façon dont un serpent imite votre comportement, vous ne pouvez pas vous empêcher d’éprouver un certain attachement.

Laissez-moi vous présenter…

Prenez par exemple la couleuvre obscure. J’ai remarqué son émerveillement enfantin, alors qu’elle explore de nouveaux coins et recoins de son habitat.

Face aux défis, la détermination entre en jeu. Elle peut être têtue comme pas une, prête à tenir tête même aux prédateurs les plus gros et les plus terrifiants.

A grey snake coiled defensively in grass.
Photo : Brock Ogilvie

Et pourtant, les couleuvres obscures sont des êtres calmes qui aiment passer leur temps à se reposer dans un rayon de soleil. C’est une dualité incroyable que d’être pacifique, enfantin, et pourtant d’avoir une détermination et un courage poussés et bien développés.

A person holding a thin grey snake and smiling at the camera

J’ai vite constaté que c’était également le cas pour les couleuvres sauvages, lorsque je dirigeais le programme de surveillance des couleuvres obscures au parc provincial Murphys Point.

Il va sans dire que les couleuvres sauvages ne sont pas toujours heureuses de vous voir. Elles vont rapidement essayer de vous effrayer en se prenant pour un serpent à sonnette, et elles peuvent mordre. Mais une fois que le serpent a surmonté sa peur initiale d’avoir été ramassé, il devient assez docile*.

Il n’y a pas beaucoup de différence entre une couleuvre à l’état sauvage et une couleuvre élevée en captivité. Lorsqu’on sait comment interpréter leur comportement et qu’on les manipule avec précaution, il n’y a pas vraiment de danger.

Une leçon permanente

Lorsque je fais de la rétrospection, je réalise que j’ai eu un parcours incroyable qui a commencé par la chasse aux fantômes pour arriver à la recherche sur les couleuvres.

Le malaise que je ressentais à l’idée de rencontrer une couleuvre est maintenant de l’enthousiasme à l’idée d’apprendre « qui » elle est, en tant qu’individu. Il a fallu beaucoup de formation et d’éducation pour atteindre ce stade, et je n’avais aucune idée que des années après ces premières rencontres, j’aiderais les autres à surmonter eux aussi leur crainte.

Je suis heureuse de mon rôle au parc provincial Murphys Point, où j’ai contribué à la protection des couleuvres obscures et j’ai pu communiquer ma propre expérience. Qu’il s’agisse de présentations quotidiennes sur les serpents ou d’une conversation fortuite lors d’une randonnée, j’ai eu le privilège de présenter à d’autres les serpents que j’appelle mes amis.

Des amis qui courent le risque de disparaître à jamais. Les couleuvres obscures sont une espèce en péril. Une espèce dont le péril est de ne plus vivre à l’état sauvage dans la nature, mais seulement d’être maintenue en vie par des récits de fantômes au grenier.

A person in a purple jacket with a very long grey snake coiled around their right arm, up around their neck, and down to their left arm. They are smiling at the camera.

J’espère que vous aussi tiendrez compte de votre propre expérience, en gardant à l’esprit son évolution et son incidence. On peut transformer toute expérience de frayeur, et lorsqu’on partage des récits de joie, on peut changer les choses.

Alors quand on parle de couleuvres obscures, que ressentez-vous?

Ceci est le troisième billet de notre série de 2023 sur les espèces en péril.

Lisez notre billet précédent : Des espèces les plus abondantes aux plus rares, les parcs veillent à leur protection.


Pourquoi vos scientifiques ramassent-ils la faune? Puis-je moi aussi ramasser des serpents et des tortues?

Veuillez ne pas toucher aux oiseaux, aux mammifères ou aux reptiles à moins que vous ne les enleviez de la route pour leur propre sécurité. Les membres du personnel présentés ici sont des biologistes qui se livrent à la recherche professionnelle. Ces biologistes suivent un protocole strict de soin des animaux approuvé par le ministère des Richesses naturelles et des Forêts. Ces protocoles examinent les résultats escomptés de la recherche et veillent à ce que toute mesure prise exerce le moins de stress possible sur l’animal. Pour votre propre sécurité et celle des animaux, nous vous demandons de toujours les observer à distance.