Bourdon.

En quête de Rusty et d’autres aventures

Sarah Litterick est une Canadienne férue de nature, chasseuse de champignons, fervente de randonnée, adepte de la plage, amoureuse des animaux et photographe émérite. Sarah poursuit actuellement ses études dans l’espoir d’intégrer le programme de biologie et de conservation de la faune à l’Université de Guelph.

Je vais être honnête… toute ma vie, j’ai eu une vive aversion pour les insectes, surtout ceux qui piquent. Je ne sais pas d’où vient cette peur profonde, mais il m’est arrivé plus d’une fois de m’enfuir en hurlant parce qu’un insecte s’approchait trop.

Néanmoins, en 2015, j’ai rejoint le conseil d’administration des Amis du parc Pinery et je cherchais des moyens de m’impliquer davantage dans les projets du parc.

Cette année-là, je me suis inscrite à leur toute première enquête sur les bourdons. Il s’agissait d’un projet scientifique citoyen et d’une entreprise conjointe entre la Conservation de la faune du Canada et de nombreux autres partisans.

Franchement, je ne sais pas ce qui m’a fait dire « oui » à ce projet, mais je suis heureuse de l’avoir fait.

L’objectif principal de l’enquête était de voir si nous pouvions localiser le bourdon à tache rousse. Ce bourdon était assez commun au Canada jusque dans les années 1980, mais il a disparu depuis. La dernière observation connue au Canada a eu lieu au parc provincial Pinery en 2009.

Quel est l’objectif secondaire de la découverte de Rusty? Mener une enquête globale sur toutes les espèces de bourdons présentes dans le parc.

Ça s’est mis à « bourdonner » dans mon esprit!

Je n’avais jamais fait de travail de terrain auparavant, et les choses étaient un peu compliquées au début.

En faisant abstraction de mes craintes, j’ai dû apprendre à gérer tout l’équipement nécessaire à la chasse aux bourdons. Il s’est avéré difficile de trouver l’équilibre entre un filet, une planchette à pince, un appareil photo, des flacons, un sac réfrigérant, etc., lorsque je me déplaçais sur les différents sites d’étude, mais j’ai fini par trouver mon rythme.

Personne assise dans le coffre d’un VUS regardant son téléphone.
Photographie de mes prises à l’abri d’une pluie fine.

Heureusement, mon premier partenaire d’enquête n’avait pas peur et m’a montré comment attraper des bourdons. La première fois, j’étais terrifiée, et il a fallu un certain temps pour que cette peur se transforme en une poussée d’adrénaline, mais c’est ce qui s’est passé, et j’étais prise au jeu.

Établir notre territoire

En général, l’enquête commence vers la fin du mois de juin et se poursuit jusqu’à la mi-septembre.

Une enquête consiste habituellement à couvrir une fois par semaine un ensemble de quatre sites d’enquête prédéterminés. Il y a un choix de quatre ensembles de sites dans le parc.

Vue de la forêt
L’écosystème de savane de chênes de Pinery présente de nombreuses ouvertures ensoleillées, parfaites pour les fleurs sauvages d’été… et les bourdons!

La température et les conditions météorologiques sont prises en compte, car les bourdons n’ont pas tendance à aimer les extrêmes ou la pluie. Nous devons parfois adapter nos programmes si la météo ne coopère pas.

Nous sommes encouragés à travailler avec un partenaire aux fins de sécurité, et nous passons au minimum une demi-heure à chaque site.

Les bourdons ont tendance à se tenir et à se nourrir au bord des routes et dans les zones herbeuses ouvertes où les fleurs sauvages abondent.

Notre propre danse frétillante

Sur le site, nous enregistrons l’heure de début (et de fin), la température et le pourcentage de couverture nuageuse. Nous rassemblons notre équipement et marchons lentement, en scrutant le sommet de la végétation pour détecter tout mouvement.

Parfois, nous entendons les bourdons avant de les voir.

Un bourdon fébrile sirotant le nectar de fleurs d’asclépiade tubéreuse.
Un bourdon fébrile sirotant le nectar de fleurs d’asclépiade tubéreuse.

L’idéal serait que les bourdons restent immobiles pour une séance photo, mais ce n’est généralement pas le cas. D’où la nécessité d’utiliser un filet. Une fois capturés, nous prenons des photos de la face, du thorax et de l’abdomen des bourdons, puis nous les relâchons indemnes dans leur environnement.

Nous éditons ensuite la série de photos de chaque bourdon et les téléchargeons sur un site Web (en anglais) appelé Bumble Bee Watch pour vérification. Un scientifique des pollinisateurs vérifiera de son côté notre observation et l’espèce de chaque bourdon.

Bumble Bee Watch est un site que tout le monde peut consulter et qui couvre les observations du Canada et des États-Unis. Il est accessible à bumblebeewatch.org et offre des instructions à suivre.

Bourdons dans des récipients en plastique dans une glacière.
Bourdons dans un sac réfrigérant.

Parfois, s’il y a beaucoup de bourdons sur un site, nous les plaçons dans un sac réfrigérant, ce qui les ralentit un peu et permet de les photographier un peu plus facilement.

Cela ne leur fait pas de mal, car c’est seulement pour un court moment. Cela nous évite aussi d’attraper la même espèce de bourdon plusieurs fois.

Observations « bourdonnantes »

En six ans, j’ai enregistré 881 observations individuelles de bourdons à Pinery. J’ai enregistré les bourdons suivants : fébrile, à deux taches, mi-noir, à ceinture brune, à ceinture rouge, trompeur et le bourdon confus et jaune-citron.

Gauche : Bourdon à ceinture brune (Bombys Griseocollis). Droite : Bourdon jaune-citron (Bombus Citrinus)
Gauche : Bourdon à ceinture brune (Bombys Griseocollis). Droite : Bourdon jaune-citron (Bombus Citrinus)

En 2017, le dernier bourdon de la saison pour moi a été un bourdon américain, le tout premier à être enregistré à Pinery!

Ce n’était pas Rusty, mais c’était tout de même passionnant, car cette espèce de bourdon est également en déclin.

Bourdon américain (Bombus pensylvanicus).
Bourdon américain (Bombus pensylvanicus)

Capter le bourdonnement

J’ai perdu le compte des kilomètres et des heures, mais chaque pas et chaque minute ont été marqués d’émerveillement et d’étonnement.

Je peux maintenant traverser un champ où des sauterelles sautillent et les distinguer du bourdonnement de mes amis pelucheux. Prendre des photos macro de bourdons a également contribué à apaiser ma peur des insectes en général.

J’ai vu beaucoup d’autres créatures étonnantes en cours d’enquête que je n’aurais probablement pas aperçues autrement.

Un montage photos de différents insectes.
En haut à gauche : Chenille de sphinx pandore (Eumorpha pandorus). En haut à droite : Nid de fausses punaises de l’asclépiade (Lygaeus turcicus). En bas à gauche : Criqut birayé (Melanoplus bivittatus). En bas à droite : Chenille à houppes blanches (Orgyia leucostigma)

Je m’améliore en ce qui concerne l’identification des fleurs, des plantes et des arbres. J’ai été témoin du lent, magnifique et miraculeux changement de Pinery au cours de la saison d’étude dans toutes les parties du parc. J’ai rencontré tant de personnes extraordinaires parmi les scientifiques, le personnel du parc, les autres enquêteurs et les invités curieux du parc.

Sarah et Trish.

Ma partenaire d’enquête permanente, Trish, est devenue mon amie la plus proche et la plus chère.

Je suis tellement reconnaissante de faire partie de ce projet extraordinaire. J’ai beaucoup appris sur les bourdons, l’écologie et le pouvoir de guérison de la nature.

J’ai eu quelques-unes des meilleures conversations de ma vie le long des sentiers… et de nombreux éclats de rire! Pinery ne déçoit jamais. Les bourdons se montrent et dame nature répond toujours à l’appel si vous êtes observateur.