Les superpouvoirs des hiboux

Le billet d’aujourd’hui a été rédigé par Alistair MacKenzie, superviseur des programmes éducatifs  du patrimoine naturel et de la gestion des ressources au parc provincial Pinery.

J’observe les oiseaux depuis l’âge de six ans. C’est principalement grâce à mon père que j’ai commencé à observer les oiseaux et, ensemble, nous avons passé de nombreuses heures à chercher une espèce de plus  pour nos listes.

J’ai, dès le tout début, été fasciné par les strigiformes et ils sont toujours, incontestablement, mon groupe d’oiseaux préférés. Il faut chercher avec application pour les trouver, car ce sont habituellement des chasseurs solitaires et la plupart d’entre eux ne perchent pas ensemble en groupes communautaires. Nombre d’entre eux, mais pas tous, sont des oiseaux nocturnes et ils sont habituellement craintifs et solitaires.

Avec un peu d’efforts, cependant, vous serez récompensés par une expérience inoubliable avec les hiboux et les autres strigiformes. Nos parcs provinciaux offrent, à travers l’ensemble de l’Ontario, une myriade d’habitats que ces oiseaux fréquentent – et des observateurs diligents pourront faire d’étonnantes rencontres avec ces merveilleux noctambules.

Combien d’espèces de strigiformes habitent en Ontario?

Northern saw-whet owl
Petite nyctale

Il existe deux groupes de strigiformes en Ontario – les effraies ou tytonidés et les autres espèces appelées strigidés. Si l’on combine ces deux groupes, il y a onze espèces de strigiformes répertoriées dans la province, c’est-à-dire :

Tytonidés :

  1. Effraie des clochers – Tyto alba

Strigidés :

  1. Petit-duc maculéOtus asio
  2. Grand–duc d’AmériqueBubo virginianus
  3. Harfang des neigesNyctea scandiaca
  4. Chouette épervièreSurnia ulula
  5. Chouette rayéeStrix varia
  6. Chouette laponeStrix nebulosa
  7. Hibou moyen-ducAsio otus
  8. Hibou des maraisAsio flammeus
  9. Nyctale de TengmalmAegolius funereus
  10. Petite nyctaleAegolius acadicus

Une autre espèce – la chevêche des terriers –  Athene cunicularia –a été observée dans la province, mais on croit que c’est une visiteuse accidentelle.

Pendant toutes mes années d’observation des oiseaux, j’ai eu la chance d’apercevoir toutes les espèces présentes en Ontario, sauf une… l’effraie des clochers. Elle figure donc en tête de ma liste des espèces à observer dans la nature en Ontario.

Avec un peu de chance, vous pourrez compléter votre propre liste en explorant les parcs de l’Ontario!

Les strigiformes ne sortent que la nuit, n’est-ce pas?

Snowy owl
Harfang des neiges (C) Alistair MacKenzie 2011

Les strigiformes sont particulièrement bien adaptés pour vivre dans l’obscurité, mais permettez-moi tout d’abord de battre en brèche une idée reçue : les strigiformes de la liste ci-dessus ne sont pas tous actifs seulement la nuit.

En fait, le harfang des neiges, la chouette laponne, la chouette épervière et le hibou des marais sont souvent actifs pendant le jour. Ces quatre espèces se reproduisent dans l’extrême nord de l’Ontario, et au-delà dans l’Arctique, où les jours sont longs l’été et où une stratégie de chasse purement nocturne pourrait résulter en un ventre vide!

Certaines années, ces espèces peuvent migrer dans la partie sud de l’Ontario et permettre de belles observations en plein jour.

Une vision à 270 degrés

Une des choses qui distinguent le groupe des strigiformes des autres oiseaux est leur vue extrêmement développée. Les strigiformes ont une excellente vision et voient bien même lorsque la luminosité est faible.

De plus, les globes oculaires des strigiformes sont tellement grands qu’ils sont fixes dans leurs orbites. Du fait d’avoir des globes oculaires fixes, les strigiformes sont incapables de regarder autour d’eux en gardant la tête immobile comme les humains peuvent le faire.

Pour compenser, leur cou possède deux fois plus de vertèbres que les humains, ce qui lui permet de pivoter et de tourner davantage. Les strigiformes peuvent ainsi tourner la tête à environ 270 degrés lorsqu’ils sont perchés.

Northern saw-whet owl
Petite nyctale

Une ouïe extrêmement fine

En plus de leur excellente vue, les strigiformes ont une ouïe extraordinairement développée. Même s’il existe des différences entre les espèces, les strigiformes ont évolué de façon à diriger le son vers leurs oreilles de façon très sophistiquée, ce qui leur permet de déterminer précisément d’où il vient.

Évidemment, comme tous les autres animaux, ils ont une oreille de chaque côté de la tête, et si par exemple une souris trottine au sol dans la forêt, ils peuvent aisément déterminer si leur proie se trouve à droite ou à gauche, car le son va atteindre une de leurs oreilles une fraction de seconde avant d’atteindre l’autre.

Great grey owl
Chouette lapone

De même, chez certaines espèces de strigiformes une membrane de peau, qui atténue les sons dans une certaine mesure, ferme le conduit auditif. Un son plus fort provient vraisemblablement de derrière l’oiseau, un son plus étouffé de devant.

On croit que les disques faciaux formés de plumes si caractéristiques des strigiformes sont des adaptations qui orientent le son, le dirigeant au-delà de leurs yeux dans leurs conduits auditifs situés sur le côté de leur tête.

De plus, chose étonnante, certains strigiformes ont une oreille placée plus haut que l’autre sur le côté de la tête! Par conséquent, un son provenant de sous l’oiseau atteindra d’abord l’oreille la plus basse, et une fraction de seconde plus tard, l’oreille la plus haute.

Tous ces facteurs combinés permettent aux strigiformes de déterminer très précisément d’où provient un son en prenant une série de décisions simples – le son vient-il de devant moi ou de derrière? D’au-dessus de moi ou d’en bas? De droite ou de gauche? Toutes ces décisions prises en une fraction de seconde permettent aux strigiformes de trouver une proie dans l’obscurité complète.

Un vol silencieux

Afin de tirer le meilleur parti de ces adaptations de l’ouïe, les strigiformes ont un autre atout dans leur arsenal… un vol pratiquement silencieux.

Une simple modification de la conception éprouvée de leurs plumes permet aux strigiformes de voler sans bruit. Le bord d’attaque des plumes primaires des strigiformes est doté d’une frange disposée en peigne. Cette simple différence d’avec les rapaces diurnes réduit le frottement du bord des plumes, assurant un vol silencieux.  

Hibou des marais
Hibou des marais

Comment puis-je trouver des strigiformes?

Il ne vous faudra pas grand-chose pour vous aider à trouver des strigiformes :

  • une bonne paire de jumelles
  • un bon guide pratique
  • de bonnes chaussures
  • un sac à dos (contenant un repas nutritif et du matériel de sécurité)
  • des vêtements adéquats pour la température
  • un compagnon ou une compagne
Barn owl
Effraie des clochers

Les champs, les poteaux de clôture et les peuplements denses de conifères sont de bons endroits pour découvrir des strigiformes. Un des trucs préférés des naturalistes est de chercher les traînées blanches sur les arbres.

 Comme les strigiformes se reposent pendant la journée, ils rejettent leurs excréments du haut de leur perchoir, décorant ainsi souvent les arbres d’une traînée blanche visible de loin.

Vous pouvez également chercher des pelotes de réjection laissées par les strigiformes à la base des arbres! Ces pelotes sont des boulettes de débris compressés et non digérés d’os, de dents et de fourrure des proies dont s’alimentent les strigiformes. Ils les rejettent par la bouche une fois ou deux fois par jour et elles peuvent s’accumuler sous des perchoirs fréquemment utilisés. Une activité très intéressante est de défaire une pelote de réjection de strigiforme (plongez-la dans l’eau avec quelques gouttes de savon à vaisselle) et d’essayer de reconstituer le squelette de la proie. 

Ayez un appareil photo et un carnet à portée de main lorsque vous partez à la recherches des strigiformes et n’oubliez pas de communiquer vos observations à des programmes de recensement des oiseaux tels que e-birds.

Vous ne savez pas trop par où commencer votre recherche?

Parlez avec les employés du parc, et tout particulièrement ceux chargés des programmes éducatifs du patrimoine naturel, qui pourront peut-être vous donner des conseils et des astuces sur les endroits et les moments où chercher.

Veillez à respecter les strigiformes et envisagez d’investir dans un téléobjectif d’une certaine qualité pour votre appareil photo; vous ferez de plus belles photos et réduirez votre impact sur l’intégrité écologique de nos parcs provinciaux.

Et maintenant, partez à la recherche de mes oiseaux préférés. Je souhaite sincèrement qu’ils deviennent également très bientôt les vôtres!