À la fin de l’hiver, l’attente du printemps peut devenir presque douloureuse. On en a assez du froid, de la neige et de l’hibernation de la faune. Quand pourrai-je sortir sans blouson? Une fois la neige disparue, les merles qui envahissent la pelouse peuvent suffire à certains, mais ce n’est pas mon cas.
Puis, enfin… Oui! Je l’entends. rrrrRRRRT, rrrrRRRRT, rrrrRRRRT! Les pannes du parc provincial Presqu’ile sont réapparues avec mon premier véritable signe annonciateur du printemps – le cri de la Rainette faux-grillon de l’ouest.
Cette espèce décline, mais les pannes de Presqu’ile ont toujours accueilli une bonne population.
Au moins, si on se fie à ce qu’on entend.
Tous les printemps, généralement à partir du 1er avril, les pannes bruissent du chant de la rainette faux-grillon. Mais il est notoirement difficile d’en apercevoir, car elles restent cachées tout au long de l’année. Les pannes sont toutefois comme ça.
Discrètes, souvent oubliées, mais dignes d’intérêt au plus haut point.
Un endroit exceptionnel
Les pannes sont des secteurs bas entre des dunes de sables. On les appelle aussi dépressions dunaires ou baissières littorales. Pour être honnête, elles ne paient pas de mine : elles sont inondées au printemps, et l’été (période où les visiteurs sont les plus nombreux), elles ont l’air de champs secs abandonnés.

La plupart des visiteurs passent à côté en voiture, entre l’entrée et le terrain de camping, en y jetant à peine un regard, ou peut-être seulement pour vérifier les chemins d’accès à la plage. Mais la panne est partout.
Les pannes d’une saison à l’autre
L’automne apporte de la couleur avec une exceptionnelle floraison de fleurs sauvages, mais la fin de l’automne et l’hiver remplissent à nouveau les pannes d’eau, et elles gèlent dur jusqu’à ce que des températures plus chaudes les libèrent enfin et que chantent les rainettes.

Cet éventail de conditions en fait un lieu où il est difficile de vivre, et l’ensemble de plantes qui se sont adaptées pour vivre ici est tout à fait exceptionnel.
En fait, les pannes sur eau douce sont si particulières et rares que cet habitat est considéré comme un des plus rares de l’Ontario. À vrai dire, il est même rare à l’échelle mondiale, et il constitue le principal habitat d’importance mondiale de Presqu’ile.
C’est peut-être au printemps que les pannes brillent le plus. Comme elles sèchent tous les étés, elles ne peuvent faire vivre de populations de poissons, ce qui est une bonne chose pour un certain nombre d’espèces de grenouilles et d’insectes aquatiques.
La faune des pannes
Les poissons sont des prédateurs voraces qui mangent les têtards et les larves des insectes aquatiques. Certaines espèces ne peuvent donc survivre dans des mares peuplées de poissons.
C’est pourquoi les eaux temporaires du printemps sont si importantes pour certaines espèces de grenouilles, de salamandres et d’insectes.

Mais alors que les eaux temporaires peuvent n’occuper que quelques dizaines de mètres carrés, les pannes sont immenses (des centaines de mètres carrés).
Plus d’eau = plus de vie.
Rainettes faux-grillon de l’ouest, Rainettes crucifères, Grenouilles léopard, Rainettes versicolores, Grenouilles des bois et Crapauds d’Amérique peuvent tous être entendus chantant depuis les pannes en avril.
La plupart chantent la nuit, mais la Rainette faux-grillon de l’ouest chante le jour, étant donc celle que l’on remarque le plus. Elle est mon signe annonciateur du printemps préféré.
Courageux prédateurs des pannes
Il n’y a pas de poissons, mais il y a bel et bien des prédateurs dans les pannes. Et ceux-ci sont petits et souvent négligés. Les larves prédatrices de dytiques et de libellules parcourent toutes les pannes au printemps à la recherche de têtards, mais aussi pour se dévorer les unes les autres.

Cependant, les plus gros prédateurs sont les tortues. Elles viennent des eaux profondes du marais, où elles ont passé l’hiver, et gagnent les pannes pour s’y délecter de têtards. La Tortue mouchetée, qui est en voie de disparition, est une spécialiste du têtard et adore nos pannes!
Une grande menace pour notre faune dans les pannes
Voici le problème : pour gagner les pannes, les tortues doivent traverser notre route principale. Nous avons installé des tunnels le long d’une partie de cette route pour aider les tortues, mais certaines parties de la route sont trop basses et les pannes trop plates et humides pour les tunnels.
La seule solution est que les gens fassent attention en roulant à travers les pannes. Ce ne sont pas des champs abandonnés dépourvus de vie, mais des lieux exceptionnels à l’échelle mondiale et pleins de vie.

Donc, conduisez en étant attentifs, et si jamais vous vous trouvez ici au début du printemps, écoutez le premier signe annonciateur du doux retour du printemps : rrrrRRRRT, rrrrrRRRRT, rrrrRRRRT!