Les monstres des lacs des parcs de l’Ontario

Le billet d’aujourd’hui a été rédigé par Roger LaFontaine, naturaliste ayant une formation classique de biologiste et chercheur amateur de monstres des lacs. Il a passé presque vingt ans à faire des recherches sur l’existence de créatures mystérieuses en Ontario et à les documenter.

Nous pensons bien connaître nos lacs et nos rivières, mais, en réalité, nous en avons à peine effleuré la surface. Sans que nous le sachions, c’est peut-être en dessous que les choses se passent vraiment.

On trouve en Ontario certains des lacs les plus étendus et les plus profonds au monde, et nombre de campeurs et d’habitants des municipalités locales ont affirmé avoir vu d’étranges choses dans leurs eaux. On raconte que d’énormes créatures peuvent provoquer des tempêtes et rendre l’eau houleuse.

Mais que savons-nous vraiment des monstres des lacs?

Neys aerial shot
Lac Supérieur

Les Grands Lacs contiennent à eux seuls 20 % de l’eau douce du monde, sans compter les milliers de lacs et de rivières intérieurs. Nombre de nos parcs protègent les rives de ces immenses lacs, alors que d’autres sont désignés parcs de la catégorie voie navigable.

Et nous n’avons certainement pas étudié de façon exhaustive toute la biodiversité des profondeurs de toutes ces eaux…

Observations et preuves

Il y a désespérément peu de preuves de l’existence de monstres dans les lacs.

De nombreux cryptozoologistes (ceux qui étudient des animaux cachés ou non encore découverts) croient que les monstres des lacs sont des sortes de vestiges du plésiosaure, un gros reptile marin que l’on croit disparu depuis l’époque des dinosaures.

lake
Photo prise quelques instants seulement après l’apparition d’une énorme tête ressemblant à un serpent sur ce superbe lac du Bouclier.  *L’auteur avait rangé son appareil photo trop profondément dans son sac pour le sortir rapidement et a dû fouiller à travers des chaussettes sales pour l’atteindre.

Il existe des comptes rendus détaillés de la part de témoins raisonnablement crédibles. En dehors de cela, il y a quelques photos floues. Les monstres des lacs aperçus en Ontario ont été décrits comme ayant des corps allongés et sinueux avec une peau verte, brune ou grisâtre. Le corps ondule à la surface de l’eau, et de nombreux témoins ont décrit une créature de plus de 15 pieds de long avec un très long cou et une tête ressemblant à celle d’un cheval ou d’un chien. On a rarement fait état de pattes, et aucun monstre n’a été vu sur la terre ferme.

Comme aucun de ces monstres n’a été observé sur la terre, il n’y a pas d’empreintes. Si jamais ces monstres existaient, leur corps coulerait probablement jusqu’au fond du lac, rendant impossible leur découverte par nos chercheurs.

Une explication possible : les fonds de nos lacs sont des capsules temporelles

L’Ontario n’a pas toujours ressemblé à ce qu’elle est maintenant. Même dans un passé récent, il y a environ 10 000 ans, une mer salée peu profonde recouvrait en partie la province. La région d’Ottawa était recouverte d’eau. En fait, des os de phoque et de baleine y ont été retrouvés, donnant à penser que d’anciens animaux marins avaient effectivement atteint la région de la capitale.

Lorsque les derniers glaciers ont fondu, il y a environ 10 000 ans, d’énormes quantités d’eau ont été drainées à travers les rivières des Français, des Ouatouais et Petawawa actuelles, jusque dans le fleuve Saint-Laurent.

map of Mer de Champlain
La mer de Champlain couvrait autrefois une grande partie de l’est de l’Ontario. Est-ce que ce prolongement de l’océan a permis au plésiosaure ou à d’autres créatures de pénétrer dans l’ancienne Ontario? Roger Lafontaine pense que c’est une réelle possibilité.

À l’époque, les espèces d’invertébrés et de poissons présentes dans les Grands Lacs étaient très différentes de celles d’aujourd’hui. Le paysage inondé s’est trouvé peuplé de différentes espèces animales. Lorsque les eaux ont reculé, des lacs isolés ont été créés.

Maintenant, ont trouve à certains endroits, notamment dans le parc national Algonquin, des poissons – comme le Cisco à nageoires noires – et des crustacés qui sont disparus des Grands Lacs.

Est-il possible que d’autres créatures mystérieuses aient été déposées dans ces lacs et attendent d’être découvertes?

Des erreurs courantes

Bien que certaines observations de monstres soient crédibles, la plupart sont rejetées par les cryptozoologistes. Dans certains cas, un comportement étrange de la part d’un animal connu pourrait être une explication plus logique.

Par exemple, une de mes observations les plus nettes s’est produite au cours d’une randonnée en canot tôt le matin sur un grand lac d’Algonquin.

Algonquin portage

Alors que je tournais un coin et que la brume se levait, j’ai aperçu quelque chose qui bougeait dans l’eau. Le dos arqué et ondulant de la créature ne faisait aucune éclaboussure alors qu’elle glissait sous l’eau. J’ai observé la scène pendant plusieurs minutes, préparant mon appareil pour prendre ce qui, j’en étais sûr, allait être la preuve la plus étonnante de l’existence d’un monstre dans le lac.

Puis, soudain, j’entend un reniflement gargouillant!

J’ai réalisé que ce que je voyais était un groupe de loutres se déplaçant à la file, les petits suivant leur mère, chacun plongeant à répétition peu profondément sous l’eau.

sketch of otters
Croquis de Roger montrant une famille de loutres de rivière ondulant à travers l’eau, leur dos arqué fendant la surface. La femelle adulte à l’extrémité droite s’est retournée pour regarder ses petits, figurant de façon convaincante la « tête » du monstre.

D’autres animaux ont également été pris pour des monstres de lac, notamment l’énorme esturgeon jaune à l’aspect préhistorique, qui peuple nombre de grands lacs et de rivières de l’Ontario. Il a une peau grise et de grandes plaques osseuses disposées en cinq rangées tout le long du corps, une grande tête pointue avec une bouche en forme de ventouse et quatre barbillons pour détecter ses proies.

Lake sturgeon. Acipenser fulvescens.
L’esturgeon jaune, le plus grand poisson de l’Ontario. Est-il possible qu’on l’ait pris à l’occasion pour un monstre des lacs de l’Ontario?

Pour moi, ça ressemble presque à un monstre!

L’esturgeon jaune peut atteindre deux mètres de longueur, et autrefois on en trouvait même des plus longs! Plus fascinant encore, ils peuvent vivre plus d’un siècle et parcourir de longues distances dans les lacs pour se rendre sur les frayères et en revenir.

Lake sturgeon

Malheureusement, les esturgeons ont été pêchés au point d’avoir pratiquement disparu des Grands Lacs. La surpêche, la pollution et les dommages causés aux rivières où ils fraient ont causé une diminution considérable de leurs populations. (Note personnelle : les humains seraient-ils les véritables monstres des lacs?) Actuellement, grâce à d’importants efforts de conservation, certaines populations font un modeste, quoique important, retour.

Que disent les experts?

J’ai contacté le professeur Benjamin Odenback, de l’université de Sasajewun, biologiste renommé de la vie aquatique et sceptique quant à l’existence des monstres dans les lacs, pour savoir ce qu’il pensait de la possibilité que des léviathans habitent nos lacs. Voici ce qu’il avait à dire sur le sujet :

« Bien qu’il n’existe aucune preuve, et que les rares témoignages soient extrêmement discutables, il ne fait aucun doute que l’Ontario possède une riche biodiversité aquatique. Les événements glaciaires du passé récent et lointain ont façonné la diversité de la vie aquatique ici. Parce que l’Ontario possède un tel nombre de lacs, petits et grands, et que seulement un petit pourcentage d’entre eux ont été étudiés en profondeur, il est possible que nous y découvrions des créatures surprenantes. Et maintenant fichez le camp et que je ne vous revoie plus jamais! »

Aidez-nous à protéger les monstres de nos lacs

Que nous réussissions ou non à prouver l’existence de ces monstres, nous devons prendre soin de nos eaux. Les lacs et rivières de l’Ontario font face à de nombreuses menaces, les espèces envahissantes, la pollution et l’érosion des berges n’étant pas des moindres.

sunset over water
La baie Georgienne

Alors, la prochaine fois que vous visiterez un parc, pourquoi ne pas prendre un moment pour nous aider à préserver nos paysages naturels et nos espèces sauvages, monstres compris.