Le problème avec les ballons

L’article d’aujourd’hui a été rédigé par David Bree, notre chargé principal des programmes éducatifs du patrimoine naturel dans le  parc provincial Presqu’ile, et fervent protecteur des oiseaux de rivage de l’Ontario.

Je ne connais pas Jason. Mais je sais qu’il a eu six ans au cours des deux derniers mois et qu’on lui a fait une superbe fête avec un gâteau, des cadeaux et des ballons, et qu’il était entouré de sa famille et de ses amis.

J’espère qu’il s’est bien amusé, mais je me demande s’il sait que, de mon point de vue, son anniversaire a eu pour conséquences des détritus fort peu esthétiques, un surplus de travail, et peut-être une mort prématurée.

C’est à cause des fameux ballons, voyez-vous. Ils sont fort jolis, mais lorsque vous les lâchez ils s’envolent et finissent forcément par atterrir quelque part.

Et ce « quelque part », c’est souvent le parc provincial Presqu’ile.

balloon on beach
Le ballon de Jason là où je l’ai trouvé sur la plage.

Presqu’ile est une péninsule qui s’avance d’environ 3 km dans le lac Ontario. Nous sommes situés à environ 140 km à l’est de Toronto, et près de 5 millions de personnes habitent les deux côtés du lac. Or le vent souffle et le courant vient dans notre direction.

Beaucoup de déchets arrivent sur notre plage orientée vers l’ouest, poussés par le vent ou le courant. Et il n’y a rien de plus insidieux qu’un ballon gonflé à l’hélium.

Le ballon est fait d’une matière qui semble ne devoir jamais se biodégrader et qui reste là sur notre plage. Éternellement.

pile of broken balloons
Ma récolte de ballons après une promenade de 15 minutes sur la plage.

Mais les ficelles attachées au ballon sont encore pires.

À l’exception des vieilles lignes de pêche (il vaut mieux ne pas me lancer là-dessus!), les ficelles des ballons sont peut-être ce qu’il y a de plus meurtrier sur la plage. Elle se prennent dans les pattes des oiseaux et s’enroulent autour des serpents et des grenouilles, bloquant leur circulation et les empêchant de se nourrir. Et ils meurent.

Mais le plus alarmant, c’est que cette année, pour la première fois depuis 100 ans, des pluviers siffleurs nidifient sur notre plage.

piping plover on beach

Cette espèce en péril est une petite boule de plumes dodue qui court partout sur la plage. Si nous avons de la chance nous aurons bientôt des boules de plumes encore plus petites courant de tous côtés lorsque les oisillons sortiront de leur coquille. La ficelle d’un seul ballon sur notre plage pourrait réduire la population mondiale de cette espèce d’un pourcentage non négligeable. 

Female plover hopping through the nest-protector fence.
Pluvier femelle passant à travers la clôture protégeant les nids.

C’est sur la plage des pluviers que j’ai trouvé le ballon de Jason l’autre jour.

La plupart des enfants de six ans sont fascinés par la nature et aiment tous les animaux. Je suis certain que Jason serait mortifié de savoir que son ballon a fait du mal à un animal.

Ce ne sera pas le cas cette fois puisque j’ai ramassé son ballon (et une dizaine d’autres!) au cours de ma courte promenade le long de la plage. Mais je ne suis pas tous les jours sur la plage et le vent et les vagues déposent constamment ce genre d’objet sur nos rives.

Mon intention n’est pas d’interdire les ballons à l’hélium, mais s’il vous plaît, gardez-les à l’intérieur et ne leur permettez pas de s’envoler n’importe où; autrement, le prix à payer pourrait être trop élevé.