Salamandre maculée

La salamandre maculée, annonciatrice du printemps

Les salamandres sont des membres iconiques et influents des communautés forestières du Nord. En tant qu’un des invertébrés les plus abondants dans les forêts de la partie est de l’Amérique du Nord, la salamandre est considérée comme une « espèce clé de voûte » en raison de ses rôles disproportionnés de prédatrice et de proie dans la régularisation des processus du réseau trophique, dans le cycle des éléments nutritifs et dans la résilience-résistance de l’écosystème.

En plus de remplir des fonctions écologiques clés, les amphibiens sont nos « canaris dans la mine de charbon » des temps modernes, servant de mesure de la salubrité de l’environnement.

Étude sur les salamandres

Le projet de recherche consistant en un inventaire des salamandres maculées du lac Bat (Bat Lake Inventory of Spotted Salamanders ou BLISS) au parc provincial Algonquin célèbre son 13e anniversaire en 2021!

Conduisez lentement dans les limites du parc, et faites attention aux salamandres, surtout durant la saison de la migration!

Cette étude recueille des données de base sur les populations de salamandre afin de mieux comprendre à quoi ressemble une population en santé et quel est le rôle de ces animaux dans le plus vaste environnement.

Patrick Moldowan (étudiant de maîtrise) et son superviseur Njal Rollinson à l’Université de Toronto coordonnent le projet BLISS*. Glenn Tattersall, un professeur à l’Université Brock, a officiellement entrepris le projet BLISS en 2008 et a contribué à appuyer les étudiants pendant toute la recherche sur les salamandres.

Cette histoire – du point de vue d’une salamandre mâle – se passe pendant la migration printanière et la période de reproduction. Elle a été écrite par Patrick Moldowan et est inspirée par le partisan à long terme du projet BLISS, David LeGros (qui n’est pas une salamandre amoureuse).

L’histoire

Quand on pense aux grandes migrations, qu’est-ce qui nous vient souvent à l’esprit? Le long voyage des gnous à travers le Serengeti? Ou encore, la traversée des Amériques des oiseaux néotropicaux?

Si peu prétentieuse, la salamandre passe souvent inaperçue.

Début du périple

Alors imaginez : vous mesurez 10 cm de longueur, vos membres sont courts et robustes, et vous rampez sur le ventre. Votre peau est humide, collante et poreuse. Au cours des six derniers mois, vous avez vécu dans le creux d’une racine d’arbre pourrie, ou peut-être, le terrier abandonné d’un rongeur pour y passer confortablement l’hiver.

Migration de la salamandre maculée (Ambystoma maculatum) au lac Bat, dans le parc provincial Algonquin

À l’abri sous la ligne de gel et dans l’obscurité la plus totale, ce n’est pas la nourriture qui occupe vos pensées, mais plutôt trouver une amoureuse. Quelque part dans la forêt qui se réchauffe peu à peu se trouve un étang attrayant. Vous devez faire un voyage de presque un kilomètre sur le sol tapissé de piquantes aiguilles d’épinettes. Votre descendance en dépend.

Finalement, les jours où il fait sous zéro sont chose du passé, mais les nuits glaciales persistent. L’important, c’est d’agir au bon moment. Trop tôt et vous risquez le gel. Trop tard et vous ratez la saison des amours.

Vous devez vous mettre en route à la première pluie.

Par-dessus des bandes de neige montagneuses, parmi des lits de mousse luxuriants et sous le tronc effondré de ce qui fut un pin imposant, abattu lors de la dernière tempête de la saison hivernale.

Et vous n’êtes pas la seule en mouvement.

Salamandre cendrée

Plus petite, la salamandre cendrée (Plethodon cinereus), votre cousine, l’est aussi. Les salamandres seront probablement nombreuses cette année. Les pluies automnales ont permis une alimentation abondante et à la fin de l’hiver, vos réserves de gras sont encore considérables.

Combien de temps durera votre périple? Quatre nuits, peut-être cinq. Vous êtes chanceuse d’être l’une des rares bêtes à braver le froid.

Vous ne pouvez vous permettre d’être trop audacieuse, des prédateurs sont à l’affût. Le poison que sécrète votre peau ne peut vous sauver la vie que jusqu’à un certain point. Tout prédateur assez imprudent pour vous croquer recevra une dose poisseuse de votre venin, mais il demeure que certains de vos ennemis ont trouvé le moyen de contourner cet obstacle.

En avant

Alors que vous vous rapprochez de l’étang, le chœur des grenouilles est assourdissant. Grâce à leurs longues pattes, les rainettes crucifères et les grenouilles des bois n’ont pas perdu leur temps. Leur chant vibrant par toute la forêt semble particulièrement remarquable étant donné que juste avant leur réanimation, l’hiver battait encore son plein. Elles sont un peu trop zélées, ces petites…

Le lac Bat, dans le parc provincial Algonquin, pendant le dégel printanier.

Il se fait tard et la lune monte, haut dans le ciel. Le premier plongeon dans le lac Bat est toujours un choc.

Ce peut être le froid ou peut-être la promesse d’une nouvelle année qui s’annonce. On se sent comme chez soi. L’époque des branchies est déjà loin alors que vous vous rappelez l’été que vous avez passé caché dans la boue, entre les feuilles de cassandre caliculé et du thé du Labrador et l’épaisse mousse du rivage.

Embryon à la phase tardive

Il vous restait à acquérir vos mouchetures et faire votre entrée dans le vaste monde s’étendant au-delà du bord de l’eau. Et c’était sans compter les nageurs à coquilles lisses (dytiques prédateurs), les monstres à mâchoires comme des trappes (larve de libellule) et les coups rapides comme l’éclair (punaises d’eau géantes) dont il fallait toujours se méfier. Ces dangers ne sont pas complètement disparus.

Il n’y a pas de temps à perdre. Les autres salamandres pourraient être ici dès le lendemain, dépendant des conditions météorologiques. Et donc, vous vous installez.

Un hamac de mousse submergée s’inclinant doucement depuis la rive : parfait! La tige brisée d’un cassandre caliculé servira de touche spéciale à votre décor.

Vous craignez cette étape. Vous avez toujours cru que vous n’étiez pas bon jardinier, mais vous vous mettez quand même au travail. Il ne sert à rien de perdre du temps à ce moment-ci. Ah! Cette galette de mousse fera l’affaire, et ce chicot submergé. Pièce par pièce, votre jardin séminal parfaitement manucuré prend forme, pas un seul spermatophore qui n’est pas à sa place.

Jardin séminal de salamandre maculée, lac Bat, parc provincial Algonquin

Vous terminez juste à temps. Dans l’eau peu profonde, vous apercevez deux yeux globuleux qui vous regardent.

Glissant dans l’eau avec beaucoup de grâce, une femelle apparaît et entreprend d’examiner votre jardin, fruit de vos efforts. Elle prend son temps, ce qui est bon signe.

Elle erre de-ci, de-là. Joue-t-elle les timides? Alors mon gars, c’est le temps de faire bonne impression. Quelques câlins, un battement de queue et des chevauchées se suivent en un effort de séduire davantage la femelle. L’hiver a été long. Êtes-vous sûr de réussir?

Elle poursuit son manège dans le jardin, elle vous laisse deviner. Cela devient un jeu de « suivez le guide » alors que vous prenez les commandes et que vous la menez au milieu du jardin où elle marche avec précaution par-dessus quelques spermatophores avant de s’immobiliser sur place. Elle s’accroupit. Très lentement, elle se met en position et tape gentiment la capsule gélatineuse avec la base de sa queue.

Salamandre maculée

Sans hésitation, le spermatophore disparaît dans son appareil génital. La femelle fait quelques pas et recommence avec le spermatophore suivant. Vous soupirez de soulagement : vous avez réussi. La femelle revient sur ses pas et vous rend vos caresses. Vous la suivez alors qu’elle prend la direction de l’épais lit de feuilles. Le voyage sur terre a été long pour elle et ce soir, elle se repose; elle pondra ses œufs demain.

Dans un éclair de taches jaunes, vous disparaissez tous les deux en toute synchronicité.

Le réveil printanier hâtif en a valu la peine.

Masse d’œufs de salamandre maculée

* Les organisateurs du projet BLISS désirent remercier les nombreux étudiants bénévoles, l’Algonquin Wildlife Research Station à but non lucratif (consultez ses pages Facebook et Twitter pour des mises à jour fréquentes de ses recherches sur la faune) et Parcs Ontario pour leur soutien. Pour appuyer les études sur les salamandres, parmi les nombreux autres projets de recherche et de conservation de la faune du parc Algonquin, on peut faire un don en communiquant avec l’Algonquin Wildlife Research Station ou en consultant les liens Web ci-dessus.