La pagaille des pagaies : éliminer la « rage au portage »

Le billet d’aujourd’hui a été rédigé par Roger LaFontaine, spécialiste des loisirs en plein air à Parcs Ontario.

Avec la venue du temps chaud, nous cherchons à nous détacher des corvées quotidiennes comme la pénible navette maison-travail, le déclic des claviers, les figures abstraites et les paroles incohérentes d’une présentation.

Tout à coup, vous rêvez de pins, d’un feu de camp et de gens formidables avec lesquels vous ne passez pas assez de temps.

Le regard morne, vous tournez lentement les yeux vers la fenêtre et vous commencez à planifier votre escapade.

Heureusement, l’accès à certains des plus beaux et emblématiques paysages de l’Ontario n’est pas si difficile de nos jours. Les parcs de l’Ontario comptent des milliers d’emplacements de camping, dont beaucoup se trouvent à moins d’une demi-journée de voyage des grands centres urbains.

Entre autres, les parcs provinciaux Algonquin, Killarney et Temagami offrent un incroyable camping en arrière-pays.

Parc provincial Killarney

Beaucoup de gens y ont fait leur premier voyage de camping et reviennent année après année. Peut-être que vous n’êtes pas seul dans ce cas.

En fait, vous n’êtes assurément pas seul.

Certains de ces périples dans l’arrière-pays sont devenus populaires grâce à de récents ouvrages tels que Don’t worry about fitting in, you fit in a Canoe, par Brent Travers, un bon livre traitant des voyages en solitaire, et Most things of the things I need to know about life, I learned on a Thunderbox, par Sandy Shores (oui… c’est son vrai nom!). En dernier lieu, pour attirer une génération qui préfère le sans-fil à la nature sauvage, Last Man Bun in the Woods, par Randy Tozland.

Ultra inspiré!

L’émergence de ces livres d’aventures populaires – écrits dans un style mordant, mais invitant – a encouragé des gens qui n’en avaient pas la moindre notion à manier la pagaie.

Ainsi, vous vous rendez au point d’accès, vous avez votre permis et vous mettez votre canot à l’eau.

L’arithmétique de la course au portage

La bonne fin de semaine, il peut y avoir des douzaines d’autres aventuriers allant dans tous sens tous côtés… mais principalement dans la même direction que vous. C’est alors que tous les voyageurs effectuent dans leur subconscient cette opération mathématique :

Vitesse du vent + action/force des vagues pour les occupants de l’autre canot x poids du matériel = qui arrivera premier au sentier de portage

Ce n’est pas élégant, mais les mathématiques ne se soucient pas de morale et les chiffres ne mentent pas. C’est la lutte du campeur de l’arrière-pays qui veut arriver premier à son site préféré.

Le lac, dans sa grande largeur, est peu encombré. Cependant, le goulot d’étranglement se produit lorsque vous quittez l’eau à la vue de ce signe jaune évoquant à la fois gloire et torture – Portage!

C’est le moment d’établir la limite

Toute cette congestion signifie que des gens ont été retardés dans leur excursion jusqu’à 14 minutes à attendre leur tour pour remonter le sentier de portage boueux jusqu’au prochain lac.

Les gens sont habitués à faire la queue pour un café, dans la circulation pour se rendre au travail, mais ils n’attendront pas en ligne pour faire du portage.

Nous avons observé des personnes impatientes continuer à porter leur canot le long d’un sentier de portage étroit, en le soulevant bien au-dessus de leur tête, tandis que le campeur plus lent se penchait très bas. Disons que c’est un compromis raisonnable.

Rage au portage : une épidémie?

Malheureusement, d’autres fois nous avons été témoins de ce que nous appelons des cas de « rage au portage ».

Dans la chaleur de la fin du mois de mai, entourés de mouches noires, plusieurs groupes de canoteurs ont convergé vers l’une des rares intersections de portage à trois sentiers de Parcs Ontario (emplacement gardé secret pour protéger l’anonymat des personnes concernées).

Les proues de trois canots se sont heurtées simultanément, éjectant les pagaies soigneusement placées sur les sièges et faisant trébucher toutes les personnes impliquées. Une mêlée s’est ensuivie à l’intersection, lorsque les autres membres des groupes se sont joints au tumulte.

Une querelle s’est ensuivie, des pagaies ont été brisées, un sac de couchage a été souillé, quatre bouteilles isolantes ont été écrasées, et le sentier de portage a dû être fermé, car il était devenu un attrait pour les ours parce que toute la nourriture contenue dans les barils s’est répandue – il y avait des barres tendres partout!

Cette journée-là, il y a eu plus que des objets de Kevlar abîmés jonchant le sentier de portage. C’était vraiment tragique.

Pour contrer ce genre d’incidents, Parcs Ontario met à l’essai un nouveau moyen de promouvoir la circulation sécuritaire sur les sentiers de portage.

À tâtons et à bâtons rompus!

Après avoir testé le système « prendre un numéro », du type comptoir d’épicerie fine, qui ne fonctionnait pas (l’ordre des numéros à l’autre bout du sentier de portage était compliqué, et nous avons eu le cas de personnes utilisant à leur avantage leur numéro du premier sentier de portage à d’autres portages, en plus des rebus), nous avons opté pour un système spécial de feux de signalisation.

Les feux à énergie solaire sont placés à environ 15 m du rivage à chaque extrémité du sentier de portage. Plutôt que d’être installés sur un poteau, ils sont placés à hauteur des genoux, afin que les campeurs puissent les voir pendant le portage.

Les feux à DEL sont semblables aux feux de circulation routière : rouge signifie arrêter et attendre, vert signifie passer, mais le feu ambré est plus nuancé, il indique que le campeur doit s’arrêter dans l’aire de repos désignée à mi-chemin du sentier de portage et laisser passer l’autre campeur.

Les personnes qui se rendent dans l’arrière-pays ce printemps devront assister à la projection d’une vidéo instructive de neuf minutes au point d’accès avant de prendre possession de leur permis.

Depuis le 1er avril, ces feux sont installés sur tous les sentiers de portage de l’arrière-pays de Parcs Ontario à moins d’une journée de voyage des principaux points d’accès. On espère que ce système évitera les embouteillages inutiles sur les sentiers de portage et éliminera la « rage au portage ».