Inspiré par Quetico

Le billet d’aujourd’hui a été rédigé par Heather O’Connor, journaliste pigiste et auteure de livres pour enfants qui a été une des artistes en résidence du parc provincial Quetico en 2017. Elle travaille actuellement à un roman pour adolescents et à deux livres d’images inspirés par sa résidence de 2017.

J’entend le premier cri de huard dès que mon pied foule le sentier.

Le cri du huard est magique. À la fois salutation et tristesse. Cette fille de la RGT, loin de son foyer, lui est reconnaissante de son accueil.

Je me hâte vers le bord de l’eau, scrutant la surface. Mais j’arrive trop tard. Une fois son sortilège lancé, le huard a disparu.

En résidence

Derrière moi, à même pas deux longueurs de canot du rivage, une cabane isolée surplombe le lac. C’est l’atelier d’artiste de Quetico et pendant les deux prochaines semaines je serai son artiste en résidence.

Quetico cabin on the waterfront

Le parc provincial Quetico a lancé en 2009 son programme de résidences Inspired by Quetico (Inspiré par Quetico).  Les artistes sont les invités du parc pour créer des œuvres artistiques inspirées par sa beauté et faire connaître leur travail aux visiteurs. Le programme a accueilli des dizaines de photographes, de peintres et d’artisans au fil des ans. Je suis la première auteure.

Immersion dans le paysage

Je passe mes journées à inventorier chaque aspect du paysage, chaque son, chaque odeur et chaque sensation. De petits moments. Des moments excitants. Des choses sur lesquelles j’ai lu mais dont je n’avais encore jamais fait l’expérience.

Je regarde un orage nocturne s’étendre à toute vitesse au-dessus du lac, jouissant de chaque grondement et de chaque éclair. Je repère la lueur couleur Jello à la lime d’une aurore boréale, et j’attrape mon premier achigan trop gros pour être mis dans mon seau. J’arrive même à photographier toute une filée de canards à la queue leu leu. (Vous voyez?)

ducks

La plupart de mes découvertes sont faites dans le silence et solitaires.

Pris sur le fait!

Pendant une bonne demi-heure, j’ai observé un tamia rusé piller, sous ma chaise de jardin, un sac plein de friandises pour chevaux de la grosseur d’une carotte. Il projette chaque friandise volée devant lui comme un Écossais lançant un tronc lors du Caber. Il revient encore et encore, persuadé que s’il reste immobile il est invisible.

chipmunk

(Désolée de te décevoir, mon petit, mais tu ne l’es pas.)

J’essaie d’attendre patiemment que se montre une tortue peinte, qui se cache obstinément sous sa carapace dès que je sors mon appareil photo. Je suis convaincue que si je reste immobile je suis invisible.

turtle

(Désolée de te décevoir, ma petite, mais tu n’es pas invisible non plus.)

Demandez aux experts

Les sympathiques employés de Quetico m’ont prêté des jumelles et ont patiemment joué avec moi à Nommez cet oiseau (ou ce poisson ou cet arbre ou cette plante). Ils m’ont aidée à emprunter une canne à pêche grâce au programme Tackleshare et à fixer un appât. Ils m’ont même indiqué où les achigans mordaient ce jour-là.

bass on cutting board

J’ai appris que les adolescents près de la plage qui criaient « Hééééééé! » étaient en fait des corbeaux  et qu’il est difficile d’enlever l’odeur du poisson de vos mains. (Très difficile.)

D’autres recherches – strictement scientifiques – m’ont révélé qu’on trouve à Quetico North les plus délicieuses tartelettes au beurre que j’aie jamais mangées, et que les beignets de chez Robin’s Doughnuts sont même meilleurs que ceux de chez Tim Horton.

Une chambre à soi

interior of cabin: couch, table, teapot

Le balcon en surplomb de ma cabane et ses larges fenêtres donnent sur le lac. C’est là que j’écris, laissant le soleil me chauffer la peau.

La plupart des jours, le ciel est si bleu et l’eau si calme qu’elle en réfléchit une image parfaite comme un miroir. Seul le salto arrière insolent d’un poisson en trouble la réflexion.

scenic view of smooth lake

Chaque jour, lorsque le soleil disparaît à l’horizon, le huard réapparaît pour jouer à cache-cache dans les couchers de soleil. Je l’espionne sans que jamais il s’en aperçoive.

Quetico dispose d’une bibliothèque!

Presque chaque jour, je me rends à la John B. Ridley Research Library, située au rez-de-chaussée du pavillon d’information. Je fais des recherches sur les poneys du lac la Croix . Autrefois, de grands troupeaux de ces poneys ojibways galopaient librement à Quetico et dans les régions avoisinantes. Aujourd’hui, on n’en compte plus qu’environ 200.

library

La bibliothèque possède une riche collection non cataloguée de ressources sur les poneys qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Des récits oraux, des journaux de directeurs de parcs, des albums photos anciens, des cartes. Et des livres – énormément de livres!

À ma grande joie, je découvre un extrait d’un journal personnel, daté de 1804, Et dans des dossiers de la Première Nation du lac la Croix,  je trouve une photo de 1977 montrant les quatre derniers poneys vivant encore à l’état sauvage.

Recherche approfondie

Mais lire sur les poneys ne se compare pas du tout au fait de les voir en personne.

Quetico organise chaque été un week-end Ponies in the Park (Poneys dans le parc), pour faire connaître ces poneys intelligents et ayant un bon tempérament aux visiteurs du parc. Le moment le plus merveilleux de mon séjour est un câlin nez à nez avec  Makadaya et Naabesim, du Grey Raven Ranch.

J’aime leurs oreilles duveteuses, leur museau doux et leur crinière longue et gracieuse. Je plonge mes doigts dans leurs poils chauds et épais. C’est le type de recherche que j’aime.

Je passe la majeure partie du week-end dans l’enclos rond avec Mac et Sim, ou simplement debout à l’extérieur à regarder. Le temps passe trop vite.

À la fois salutation et tristesse

Toutes les  histoires ont une fin, et toutes les aventures nous ramènent à la maison. Quelques soirées plus tard, je refais mes valises. Carnets pleins de notes, appareil photo plein de clichés et des idées plein la tête. Mais ce n’est pas suffisant. Quetico m’a ensorcelée.

loon

Lorsque le huard me dit adieu, nous sommes tristes tous les deux.

Je pars avec le désir de créer, oui. Mais aussi avec celui de revenir.

Vous désirez poser votre candidature?

Où : Parc provincial Quetico, Atikokan (Ontario), Canada

Qui : auteurs et artistes canadiens ou étrangers. Toutes disciplines. Places réservées pour des artistes locaux et émergents.

Quand : périodes de deux semaines entre mai et septembre

Comment : posez votre candidature par courriel et envoyez des exemples de vos réalisations artistiques au plus tard le 31 mars. Les candidats acceptés seront avertis à la mi-avril.

Heather tient à remercier le parc provincial Quetico, la Quetico Foundation et l’Access Copyright Foundation (bourse de recherche Marian Hebb) pour leur généreux soutien. Elle reviendra comme artiste en résidence en 2018.