Portrait en noir et blanc d’un homme

George Bonga : la vie d’un voyageur

Le billet d’aujourd’hui provient de notre spécialiste du programme Découverte (et passionné d’histoire), Dave Sproule. Source de l’image d’en-tête : Minnesota Historical Society

Il y a plus de 200 ans, George Bonga a pagayé sur les voies de la traite des fourrures dans la région des Grands Lacs.

Il a également fait office de guide de canotage, de traducteur, et finalement de commerçant avec ses propres postes de traite.

En commémoration du Mois de l’histoire des Noirs, évoquons la vie de George Bonga.

Une famille de commerçants de fourrures

Les grands-parents de George, Jean Bonga et Marie Jeanne, étaient les domestiques d’un officier de l’armée britannique basée au Fort Michilimackinac dans les années 1780, situé à l’endroit où le lac Michigan et le lac Huron se rencontrent dans l’actuel État du Michigan.

Le fort était un important dépôt commercial établi par les commerçants de fourrures français, coordonnant les flottes de canots se rendant aux postes jusqu’à l’ouest des Grands Lacs et au-delà.

Il n’est devenu un dépôt de fourrure britannique qu’après 1760, lorsque le Canada est devenu une colonie britannique.

Source : Bibliothèque et Archives Canada. Fort Michilimackinac (centre de la carte)

Lorsque Jean et son épouse ont été libérés de leur contrat, ils ont intégré la traite des fourrures au Fort Michilimackinac.

Leur fils Pierre, le père de George Bonga, a été élevé dans le commerce de la fourrure, et il est devenu voyageur et guide. Pierre travaillait pour la Compagnie du Nord-Ouest et se rendait souvent au pays de la rivière Rouge, qui fait maintenant partie du sud du Manitoba. Il est connu pour avoir voyagé avec Alexander Henry le Jeune et d’autres commerçants de fourrures.

Henry était un partenaire de la Compagnie du Nord-Ouest, une entreprise commerciale composée de plusieurs commerçants de fourrures indépendants basés à Montréal. La CNO était un grand rival de la Compagnie de la Baie d’Hudson, plus ancienne, et les deux compagnies se livraient une concurrence farouche pour le contrôle du commerce dans la partie nord du continent.

Pierre s’est déplacé vers l’extrémité ouest du lac Supérieur où de nouveaux dépôts de commerce avaient été établis, comme le siège intérieur de la Compagnie du Nord-Ouest à Grand Portage.

Pierre a travaillé dans le commerce de la fourrure dans le territoire du Minnesota, à l’ouest du lac Supérieur, et a épousé une femme nommée Ogibwayquay de la nation Ojibwé.

Naissance d’un aventurier

George est né dans le territoire en 1802, avant que la frontière entre les États-Unis et le Canada ne soit tracée.

peinture d'un voyageur
Source : Bibliothèque et Archives Canada. George Bonga, illustré comme un pionnier américain. En tant que voyageur, George aurait porté une ceinture fléchée plutôt qu’une ceinture, et il aurait transporté deux ou trois sacs de 90 livres avec une courroie de tête de portage, plutôt qu’un sac à dos à armature de bois.

Jeune garçon, ses parents l’ont envoyé à l’école à Montréal. Ce fut son premier voyage à travers les Grands Lacs et sur la rivière des Français.

De retour chez ses parents, il parlait l’anglais, le français et l’ojibwé, et avait reçu une bonne éducation.

Son éducation et sa connaissance des langues lui seront utiles tout au long de sa vie de voyageur, de traducteur et de commerçant de fourrures.

À l’adolescence, George a fait partie d’une expédition visant à trouver la source du fleuve Mississippi. Il a été engagé pour ses talents de manieur de canot et sa connaissance de la langue ojibwé. Grâce à ses compétences linguistiques, il a également participé à la négociation de traités avec les Ojibwé.

Ses aptitudes de coureur des bois, y compris le pistage, lui ont permis de capturer un présumé meurtrier en 1837.

George s’est joint à l’American Fur Company, fondée par l’homme d’affaires américain John Jacob Astor, un rival de la Compagnie de la Baie d’Hudson et de la CNO.

Un commerce en transformation

En 1842, le commerce de la fourrure a considérablement changé.

L’American Fur Company a fait faillite et la Compagnie de la Baie d’Hudson a absorbé la CNO dans une fusion forcée par une concurrence acharnée et une dette croissante.

Portrait en noir et blanc d’un homme assis.
Image : Minnesota Historical Society

Dans les années 1850, le commerce de la fourrure était en déclin et les chapeaux de peau de castor ont été remplacés par des chapeaux de soie.

George s’est adapté à ces changements.

Il a construit ses propres postes de traite dans les forêts reculées du nord du Minnesota, commerçant avec le peuple de sa mère, la nation Ojibwé.

À l’époque de ce portrait datant de 1870, il était devenu un marchand de marchandises sèches prospère, un homme d’affaires respecté et une personnalité de la région.

Une journée du quotidien

George est l’un des nombreux voyageurs qui ont constitué l’épine dorsale de la traite des fourrures au Canada, des années 1680 aux années 1850.

De jeunes fermiers canadiens-français de la vallée du Saint-Laurent s’engageaient auprès de commerçants de fourrures indépendants basés à Montréal pour pagayer des milliers de kilomètres en amont et traverser les Grands Lacs.

Ils se déplaçaient dans de grands canots remplis à ras bord de marchandises destinées à de lointains postes de traite dispersés dans le pays du Nord.

Campement de voyageurs.
Les voyageurs dormaient sous leurs canots lorsqu’ils établissaient leur camp chaque nuit.

Une équipe de six à dix voyageurs, selon la taille du canot, pagayait et transportait toute la cargaison, exécutant des portages entre les lacs pour constituer les « itinéraires de canotage ».

Bien avant les routes, les portages et les voies navigables du nord étaient les autoroutes de l’époque.

Les voyageurs commençaient leur journée dans l’obscurité, avant le petit-déjeuner, en roulant hors de leur « lit » sous les canots renversés.

Peinture de voyageurs en canot.
Les voyageurs se lèvent avant l’aube et font une pause pour fumer une pipe.

Pagayant cinquante coups par minute et gardant le rythme avec des chansons comme « Alouette » et « Roulant ma Boule », les hommes passaient jusqu’à 16 heures par jour dans leurs canots. On disait de George qu’il était un très bon chanteur.

Toutes les heures, il y avait une pause « pipe », et ils sortaient leurs pipes en argile et les remplissaient avec les poches de tabac accrochées à leur cou.

L’outil de plus important du voyageur : le canot

Pendant des milliers d’années, les nations autochtones ont constitué un réseau commercial continental à travers l’Amérique du Nord.

La région qui est aujourd’hui le Canada et certaines parties du nord des États-Unis est couverte d’un réseau de lacs et de rivières que les commerçants autochtones parcouraient en canot.

Peinture de voyageurs à un campement.
Voyageurs réparant leur canot à la lumière d’un feu. Les canots en écorce de bouleau pouvaient facilement être réparés chaque jour. Chaque canot avait une trousse de réparation composée d’écorce, de racines d’épinette et de résine de pin.

Le canot est facile à construire à partir de matériaux présents dans la forêt, suffisamment léger pour être transporté sur les sentiers entre les lacs, et facile à réparer lorsqu’il est endommagé.

Les commerçants de fourrures utilisaient aussi le canot autochtone, fabriqué en écorce de bouleau imperméable enveloppée de membrures de cèdre, cousue avec de solides racines d’épinette et scellée avec de la gomme d’épinette mélangée à de la cendre de feu de camp et à de la graisse animale.

Le canot s’est agrandi au cours des premières années du commerce français des fourrures et, au début des années 1700, il était devenu le géant de 10 mètres et de 280 kilogrammes connu sous le nom de canot de maître, ou canot de Montréal, qui empruntait la principale route commerciale entre Montréal et l’extrémité ouest du lac Supérieur.

Schémas de canots.

Le canot du nord, plus petit avec ses 8 mètres de long, était conçu pour les petites voies navigables et les portages au-delà du lac Supérieur. Ce canot pouvait être porté par deux hommes, plutôt que par quatre comme pour le canot de Montréal.

Les canots se sont agrandis pour transporter davantage de marchandises, chacun d’eux transportant trois tonnes et demie de colis, de caisses en bois et de barils contenant des bouilloires en cuivre, des têtes de hache en fer, des couvertures, des mousquets, de nombreux autres articles et bien sûr, des voyageurs.

Image d’un canot géant
Image : Musée canadien du canot

Le canot était tellement encombré de cargaison que l’on choisissait des voyageurs de petite taille, minces et forts, car ils prenaient moins de place.

George Bonga faisait exception. Loin d’être petit et mince, il était très bien bâti. À 6 pi 6 po, il dépassait les autres d’au moins un pied. Il devait faire attention à ne pas passer à travers le fond du canot!

On racontait que George était très fort et qu’il portait quatre pièces de 90 livres, ce qui a fait de lui une figure légendaire dans le commerce de la fourrure, où les récits fabuleux étaient un passe-temps au coin du feu lorsque les voyageurs montaient le campement.

Pagayer sur la rivière des Français

La rivière des Français était un maillon essentiel de la principale route de la traite des fourrures vers l’ouest.

Il y avait d’autres voies navigables et routes au nord, et à travers les Grands Lacs au sud.

Cependant, malgré avec les rapides dangereux et les portages difficiles, l’itinéraire des Français est resté la principale voie commerciale entre Montréal et les nations autochtones des Grands Lacs et au-delà.

Rivière tumultueuse.
Les chutes Récollet sur la rivière des Français, l’un des nombreux obstacles rencontrés par les voyageurs à l’époque de la traite des fourrures. George Bonga aurait parcouru le court portage qui les contourne pour se rendre à l’école à Montréal au début des années 1800, suivant les traces de son père Pierre et de son grand-père Jean.

Lorsqu’une flottille de canots atteignait la rivière des Français, elle pouvait souvent pagayer ses 105 kilomètres en seulement un jour et demi en aval, en franchissant de dangereux rapides et en risquant de faire chavirer le canot et tout son contenu.

Comme la plupart des voyageurs ne savaient pas nager, le risque était particulièrement élevé.

Célébration du Mois de l’histoire des Noirs

Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, nous rendons hommage à George Bonga, voyageur et homme des bois.

Aperçu du centre accueil.

Aujourd’hui, les visiteurs peuvent en savoir plus sur le patrimoine culturel autochtone, les routes commerciales, la traite des fourrures au Canada, et plus encore, au Centre d’accueil du parc provincial Rivière des Français.