La splendeur de la « terra ferma » rencontre la majesté des cieux : la géologie et les sciences planétaires à l’œuvre

Le billet d’aujourd’hui provient de M. Gordon (Oz) Osinski, Ph. D., professeur de géologie planétaire et de matériaux terrestres et planétaires à l’Université Western [1] et Bruce Waters, ancien pédagogue au planétarium McLaughlin et fondateur de l’observatoire du parc provincial Killarney. [2]

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de vous trouver sur une belle plage et de vous émerveiller devant les superbes galets éparpillés devant vous?

Ils semblent être de toutes les couleurs, formes et tailles imaginables.

Et si vous regardez les galets de plus près avec une loupe, vous pouvez même voir des détails supplémentaires comme des fossiles et des cristaux!

Ces galets peuvent révéler à l’œil averti l’histoire extraordinaire de leur formation, de leur transformation au fil du temps et de leur parcours pour aboutir devant vous. Cette histoire peut se dérouler sur des milliards d’années et impliquer d’incroyables forces de la nature.

La formation géologique

L’Ontario est l’un des endroits les plus riches au monde pour observer le patrimoine géologique de la Terre.

La majorité d’entre nous a entendu parler du Bouclier canadien. Il s’agit d’une région de la planète qui s’étend du nord de l’Ontario au Labrador et qui est constituée d’anciennes formations rocheuses, dont certaines ont plus de quatre milliards d’années!

Ces formations ont été créées par d’incroyables forces géologiques et érosives qui se sont produites pendant des milliards d’années et qui se poursuivent encore aujourd’hui.

Mais avant d’aller plus loin, examinons un peu plus en détail certaines des roches typiques que vous pouvez voir dans nos parcs provinciaux :

Notions fondamentales

Il y a trois principaux types de roches :

Les roches ignées (aussi appelées magmatiques), du mot latin signifiant feu, sont issues d’un magma qui se refroidit, se cristallise et se solidifie.

Les roches sédimentaires se forment de plusieurs façons différentes. Le mécanisme le plus courant est celui où une autre roche préexistante (ignée, sédimentaire ou métamorphique) est érodée, transportée puis redéposée (par exemple, le grès).

Les roches sédimentaires peuvent également être formées par la précipitation de minéraux provenant de mers chaudes peu profondes (par exemple, le sel) ou par l’accumulation d’organismes morts (par exemple, la craie).

Les roches métamorphiques se forment lorsqu’un type de roche est modifié par rapport à sa forme originale, généralement sous l’effet de la chaleur ou de pressions élevées dans les profondeurs de la croûte terrestre.

Avec un peu de pratique, de connaissances et une loupe (pour identifier les cristaux et les grains), vous pouvez devenir très compétent dans l’identification des roches et commencer votre aventure de découverte de notre passé.

Essayons donc d’utiliser notre modeste compréhension de la formation des roches pour raconter une histoire, l’histoire de l’une de nos merveilles géologiques : la formation du parc provincial Killarney.

Il y a très longtemps, dans un endroit pas trop éloigné

En arrivant au terrain de camping principal de Killarney, vous pouvez marcher jusqu’au lac et voir immédiatement des caractéristiques uniques.

Un lac d’eau très claire entouré de falaises de granite et, au loin, les montagnes de quartzite blanc de la chaîne de montagnes La Cloche.

montagnes
Des collines de granite au premier plan et les montagnes de quartzite La Cloche à l’arrière-plan

Près de la baie Georgienne, on trouve du gneiss lisse et rubané.

Enfin, dans diverses régions du parc, on peut trouver du calcaire que l’on peut reconnaître par sa couleur beige clair lisse caractéristique. Ce panorama spectaculaire permet de découvrir l’histoire de sa formation et nous donne des indices sur ce qu’il faut chercher pour confirmer nos idées.

Pourquoi retrouve-t-on ces montagnes de quartzite blanc uniques à Killarney?

Pour répondre à cette question, nous devons comprendre ce qui a pu mener à la formation du quartzite.

Il y a très longtemps (environ 2,2 milliards d’années pour être exact!), une mer intérieure ou un océan peu profond se trouvait dans cette région du monde.

Au cours de millions d’années, une grande quantité de sable se serait déposée le long de cet ancien littoral.

À mesure que le sable se déposait, le sable plus ancien et maintenant profondément enfoui se transformait lentement en une roche sédimentaire appelée grès.

Pendant longtemps, le grès aurait été dominant dans cette région.

Puis, un événement s’est produit…

Les continents de la Terre reposent sur des plaques tectoniques qui sont constamment en mouvement.

Il y a des milliards d’années, deux plaques sont entrées en collision dans cette région.

Là où il y avait autrefois un océan séparant les continents, il y avait maintenant de la terre sèche et la pression de deux masses terrestres se pressant l’une contre l’autre.

Cette pression a créé des montagnes géantes, peut-être à un moment donné plus hautes que les Rocheuses ou les Alpes d’aujourd’hui.

La pression et la chaleur créées pendant ce processus de formation des montagnes ont transformé (ou métamorphosé) le grès en une roche métamorphique très dure, le quartzite!

Des roches à Killarney

C’est ainsi que se sont formées les magnifiques montagnes de quartzite de Killarney.

D’autres roches confirment la présence des anciens océans qui recouvraient autrefois cette région.

Le calcaire, que l’on trouve dans des régions éparses dans les sections nord du parc, s’est formé à partir de la décomposition de la matière organique que l’on retrouvait autrefois dans les océans.

Le gneiss magnifiquement rubané, que l’on trouve au sud vers la côte de la baie Georgienne, est une roche métamorphique qui a commencé sous forme de schiste et a subi plusieurs transformations métamorphiques au cours de la période de formation des montagnes.

Le schiste est une roche sédimentaire composée de limon et d’argile, que l’on trouve généralement le long des anciens fonds marins.

L’incroyable puissance de la formation de la montagne a également joué un rôle important en exposant l’autre roche la plus commune et la plus belle de Killarney : le granite.

D’où vient tout  le granite?

Le granite est une roche ignée qui se forme dans des poches de magma, à des dizaines de kilomètres sous la croûte terrestre.

À mesure que la roche refroidit lentement, des cristaux se forment et finissent par devenir très prononcés.

Tous les granites contiennent du quartz (un minéral à ne pas confondre avec la roche de quartzite), qui est légèrement transparent. La couleur rosée du granite de Killarney provient toutefois d’un autre minéral, le feldspath potassique.

Un rivage rocheux

Le même processus de formation de montagnes qui s’est produit lors de la collision des plaques a également fait remonter le granite des profondeurs de la croûte terrestre pour qu’il s’élève au-dessus de la surface.

C’est ce même processus qui a créé la célèbre montagne Half Dome du parc national de Yosemite. Les montagnes de granite et de quartzite ont ensuite été érigées, non pas par les forces géologiques à l’intérieur de la croûte terrestre, mais par celles au-dessus.

Les glaciers ont leur rôle à jouer

Le climat de la Terre évolue constamment.

Nous ne pouvons pas vraiment l’apprécier au cours de notre vie humaine, mais, à l’échelle géochronologique, les glaciations se produisent en un clin d’œil!

Parfois, le climat de la Terre se refroidit et les glaciers principalement confinés dans l’Arctique migrent vers le sud, couvrant une grande partie du Canada et la moitié nord des États-Unis.

Un erratique dans le lac George
Un erratique dans le lac George

Ces couches de glace d’un kilomètre de haut exercent une force énorme sur le sol, arrachant les roches plus tendres et creusant de longues vallées.

Les scientifiques pensent que les glaciers ont érodé les anciennes montagnes et collines ainsi que les anciens sols d’une grande partie de l’Ontario.

Comment savons-nous que des glaciers ont autrefois recouvert une région? Parmi les indices les plus courants, on trouve des blocs rocheux qui semblent tout à fait incongrus, appelés « erratiques », et d’étranges marques en forme de croissant de lune dans la roche, appelées « broutures ».

Ces broutures se forment lorsque des roches piégées au fond des glaciers sont traînées sur une surface rocheuse dure; ces roches peuvent parfois s’accrocher à la roche située en dessous et  bondir soudainement vers l’avant.

Une brouture contre le granite
Image de broutures contre les roches de granite dans le parc provincial Killarney

En progressant difficilement, elles gravent les marques que nous appelons « broutures ». Les pointes du croissant indiquent la direction du déplacement des glaciers.

Comment tout cela se forme-t-il?

La roche granite s’est formée à partir de poches de magma en fusion situées dans les profondeurs de la croûte terrestre.

Et le sable, le limon, l’argile et la décomposition ou la matière organique des anciens océans ont formé les roches sédimentaires : le grès, le calcaire et le schiste.

Un diagramme des roches du parc Killarney

L’activité tectonique a forcé deux plaques tectoniques à se rapprocher, créant une chaleur et une pression énormes et menant à la formation de montagnes.

Cette chaleur et cette pression ont fini par créer le quartzite à partir du grès et le gneiss à partir du schiste.

Le soulèvement a également permis de transformer le quartzite et le granite en montagnes.

Enfin, plusieurs périodes de glaciation ont érodé les montagnes de quartzite et de granite et sculpté les régions environnantes, nous laissant la beauté spectaculaire que nous voyons aujourd’hui.

On peut déduire tout cela lorsqu’on a maîtrisé les connaissances permettant de lire les histoires présentes dans les roches!

Un diagramme
Légende : Ressources naturelles Canada et la Commission géologique de l’Ontario 2015. Killarney : Les fameuses montagnes blanches et côtes de granite rose du Bouclier canadien; série GéoTours du nord de l’Ontario. Sa Majesté la reine du chef du Canada, 2015 ©

Le périple d’exploration continue au-dessus de la Terre

Un géologue bien formé peut utiliser les mêmes types de techniques que celles que nous avons utilisées pour déterminer l’histoire de Killarney afin de percer les mystères d’autres mondes.

En apprenant à identifier les roches ignées, sédimentaires et métamorphiques sur Terre, les futurs astronautes pourront faire des découvertes importantes qui mèneront à des découvertes majeures sur d’autres mondes.

Sur la Lune, les astronautes d’Apollo ont pu identifier et prélever des échantillons de roches ignées et métamorphiques que les scientifiques sur Terre ont pu utiliser pour élucider l’histoire de la Lune et son lien avec la Terre.

Premier quartier de lune. Image : Devin Shaw / Observatoire Kchi Waasa Debaabing au parc provincial Killarney

Par ailleurs, comme la Lune n’a pratiquement aucune atmosphère, les roches qu’on y trouve ont subi très peu d’érosion, ce qui permet aux scientifiques d’étudier et d’examiner des matériaux beaucoup plus anciens que ceux que l’on peut observer sur la Terre.

Espérons qu’un jour, les humains poseront également le pied sur Mars, une planète fascinante et belle, et le rêve tant attendu des futurs explorateurs de l’espace.

En effet, Mars pourrait détenir la réponse à l’une des plus grandes questions scientifiques sans réponse de notre époque : sommes-nous seuls dans l’univers?

Qu’il s’agisse de la Lune ou de Mars, nous devons former nos astronautes explorateurs à la science de la géologie afin qu’ils puissent découvrir les indices qui nous en diront plus sur les lieux qu’ils visitent.

Une paroi rocheuse
Une roche sédimentaire dans la région de Meridiani Planum, près de l’équateur martien. Image : NASA/JPL/UARIZONA

C’est pourquoi les astronautes de l’Agence spatiale canadienne (ASC) et de la NASA viennent au Canada – de Sudbury à l’Extrême-Arctique – pour apprendre de l’un des auteurs (M. Osinski) comment rechercher, recueillir et identifier la géologie de ces régions afin de pouvoir se lancer dans une exploration semblable sur d’autres mondes dans un avenir pas trop lointain!

Des leçons importantes tirées d’autres mondes

Qu’il s’agisse de la formation des astronautes avant leur départ pour la Lune ou de l’interprétation par les scientifiques des données recueillies par des robots sur Mars, les concepts dont nous avons discuté jusqu’à présent sont ancrés dans notre compréhension de la géologie de la Terre.

Mais pouvons-nous inverser les choses et apprendre des choses sur la Terre à partir de ces autres mondes?

La réponse courte est oui!

Retournons d’abord sur Mars. Les missions robotiques qui se sont rendues sur la planète rouge au cours des 40 dernières années ont rapporté une mine de données indiquant qu’il y a environ quatre milliards d’années, la planète était beaucoup plus habitable qu’aujourd’hui.

Comptant des rivières, des lacs et peut-être même des océans, Mars et la Terre se ressemblaient probablement beaucoup à cette époque.

Aujourd’hui, Mars est une planète stérile, gelée, où l’atmosphère est très fine.

Qu’est-ce qui s’est passé?

Les leçons que les scientifiques tirent de l’évolution du climat de Mars au cours des 4,5 milliards d’années écoulées pourraient nous aider à comprendre comment notre climat, ici sur Terre, pourrait évoluer à l’avenir.

On peut en dire autant de Vénus, qui présente ce que les scientifiques appellent un « effet de serre incontrôlé ».

Les températures de 475 oC à la surface de Vénus sont une démonstration brutale de ce qui peut arriver si trop de gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone, se retrouvent dans l’atmosphère.

Si nous retournons sur la Lune, les roches anciennes sont l’une des possibilités les plus emballantes que notre seul satellite naturel offre aux géologues.

Comme nous l’avons appris plus tôt en discutant de la façon dont Killarney est devenu ce qu’il est aujourd’hui, la Terre est une planète très active.

Nous avons la tectonique des plaques, qui crée constamment une nouvelle croûte à certains endroits et la détruit à d’autres, des volcans actifs et une érosion active par le vent, la pluie, la neige et la glace.

Tous ces processus usent et recyclent continuellement la géologie de notre planète. Le résultat est qu’il ne reste pratiquement plus de roches provenant du premier milliard d’années de l’histoire de la Terre.

C’est regrettable, car c’est à cette époque que la vie est apparue sur Terre et que d’autres processus majeurs, comme la tectonique des plaques, sont censés avoir commencé.

Mais la Lune conserve un témoignage de ce premier milliard d’années de l’histoire du système solaire. Elle est là, attendant d’être découverte par la prochaine génération d’explorateurs.

Observez les étoiles au-dessus de Killarney

Cette année, le parc provincial de Killarney célébrera son incroyable géologie dans le cadre de l’événement « Étoiles au-dessus du parc Killarney 2022 : De la Terre à la Lune, à Mars et au-delà! ».

Un télescope pointé vers le ciel nocturne

Joignez-vous à nous pour participer à une fin de semaine incroyable de présentations et d’ateliers destinés à la famille qui permettent d’en savoir davantage sur la géologie de la Terre et sur les autres mondes de notre système solaire!


[1] M. Osinski, Ph. D., est professeur au département des sciences de la Terre à l’Université de Western Ontario. Il est également directeur fondateur de l’Institut de l’exploration de la Terre et de l’espace et il est directeur du Canadian Lunar Research Network et président de la division des sciences planétaires de l’Association géologique du Canada.

[2] Bruce Waters est le fondateur de l’observatoire du parc provincial Killarney, cofondateur de la première réserve de ciel étoilé d’un parc provincial et cofondateur de l’événement Des étoiles au-dessus du parc Killarney. Il contribue régulièrement à notre blogue mensuel Les yeux vers le ciel.