Un petit rongeur aux oreilles hérissées et à la queue ébouriffée est penché sur sa gauche. L’écureuil s’accroche à une branche d’arbre mort et fixe directement l’appareil photo.

Écureuils à vendre : l’incroyable histoire des écureuils à Rondeau

Le billet d’aujourd’hui provient de Jess Matthews, naturaliste en chef au parc provincial Rondeau.

Il y a cent ans, nous en savions peu sur la gestion des parcs.

L’idée de maintenir l’intégrité écologique est relativement nouvelle. Les premiers parcs de l’Ontario ont été créés principalement à des fins récréatives et touristiques.

La première moitié du 20e siècle, la faune était souvent considérée comme une attraction touristique ou une nuisance. On comprenait mal comment les maladies animales se propageaient, ou comment les populations locales s’adaptaient à leurs milieux de vie.

Étant donné que les gestionnaires des parcs n’étaient pas informés de la situation, certains animaux se sont retrouvés dans des caisses et expédiés loin de leurs habitats.

Telle est l’histoire des écureuils du parc provincial Rondeau qui, grâce à leur manteau à la mode, ont voyagé jusqu’à la pelouse de la Maison-Blanche.

Rongeurs à la mode

À une époque très proche du début de l’existence de Rondeau en tant que parc provincial, la forme colorée noire de l’écureuil gris (Sciurus carolinensis) était une denrée très recherchée dans le commerce international.

Écureuil gris à manteau noir, perché sur un arbre
Écureuil gris, morphologie de couleur noire

La fourrure noire et brillante de ces écureuils était très recherchée, et de nombreux écureuils de Rondeau ont été capturés, expédiés et relâchés dans de nouveaux écosystèmes.

De plus, dans certains cas, le commerce d’écureuils était exactement ainsi : la version noire de l’espèce de Rondeau était commercialisée pour la version grise.

Bien qu’il s’agisse de la même espèce, les écureuils gris de couleur grise sont plus courants dans la partie sud de leur aire de répartition. Les écureuils de couleur noire sont plus courants dans le nord.

Il est possible que les écureuils de morphologie grise que nous voyons aujourd’hui dans le parc soient les produits d’un commerce qui a eu lieu il y a plus de 100 ans.

Décorations vivantes de pelouse

Dès 1906, il existe une correspondance entre Isaac Gardiner, le premier directeur du parc Rondeau, et Frank Baker, le directeur du National Zoological Park à Washington D.C. Les deux hommes ont organisé un échange d’écureuils, gris contre noirs.

Les animaux ne représentaient aucune valeur monétaire aux douanes, car il s’agissait d’un échange direct entre les gouvernements canadien et américain, 16 écureuils en contrepartie de 16 écureuils.

Un écureuil gris de couleur noire, assis sur une pelouse tondue et parsemée de feuilles d’automne. L’écureuil porte une noix dans sa bouche.

Les écureuils à morphologie noire de Rondeau étaient destinés aux jardins et terrains de la Maison-Blanche, et ont marqué l’apparition fulgurante, mais brève d’autres groupes s’intéressant au pelage foncé et lisse de ces rongeurs à la queue touffue.

Écureuils à vendre

Les 30 années suivantes, le parc a été sollicité pour approvisionner en écureuils noirs les magasins d’alimentation, les entreprises privées et les destinations touristiques.

En grande partie, ces demandes étaient honorées au prix exorbitant de 5 $ le couple, y compris les frais d’expédition express pour que les animaux arrivent en vie. Compte tenu de l’inflation, cela équivaudrait à environ 110 $ le couple aujourd’hui. La dépense était attribuée au « temps et à la difficulté du piégeage, de la mise en caisse et du voyage en ville pour l’expédition ».

Selon la correspondance historique, le désir de déplacer ces écureuils était motivé par plusieurs facteurs. Il y avait un intérêt à fournir un produit au public (les écureuils eux-mêmes), il y avait un profit pour le parc et il y avait un intérêt à réduire le nombre d’écureuils noirs dans le parc Rondeau. Ils étaient devenus si abondants qu’ils devenaient aussi une nuisance.

Explosion de population

La principale nuisance invoquée était la tendance des écureuils à s’introduire dans la mangeoire des oiseaux captifs dans la volière du parc. Le fait de subvenir à l’alimentation des écureuils avec des aliments pour oiseaux riches en calories a assurément conduit à l’explosion de leur population.

Photo historique en noir et blanc, montrant une série de bâtiments bas d’un étage et des zones clôturées. L’image a été prise en hiver : quelques grands arbres à feuilles caduques dénudés entourent les bâtiments, et il y a un champ ouvert avec de la neige au premier plan.
La Volière du parc provincial Rondeau. Photo prise en 1955.

Dans les années 1930, le personnel du parc semble moins enclin à piéger les écureuils vivants, en raison de la mort malheureuse de certains d’entre eux.

En 1931, le directeur du parc notait : « À un certain moment, sur six écureuils, quatre sont morts dans les 12 heures, sans que nous puissions le justifier, sauf peut-être par épuisement ou par arrêt cardiaque. Les deux autres se sont tellement blessés en essayant de passer à travers les mailles de la cage qu’ils se sont arraché tous les poils des pattes et de la tête ».

Ensuite, il est apparu que cette affaire d’écureuil prenait trop de temps, et que la pénurie de personnel signifiait que les priorités se situaient ailleurs.

Une infestation d’écureuils?

Malheureusement pour les écureuils, beaucoup pensent encore que leur comportement naturel les rend nuisibles dans le parc.

Lettre dactylographiée datée du 21 mai 1935
Lettre de WC Cain, sous-ministre des Terres et Forêts, à RA McLaren, directeur du parc provincial Rondeau.

Les écureuils s’attaquent naturellement aux œufs d’oiseaux et mangent les bourgeons des arbres, ce qui les a qualifiés de nuisibles. Les rongeurs malchanceux sont devenus recherchés non seulement pour leur éclat, mais aussi pour leur élimination du parc, généralement en leur tirant dessus!

Ce n’est qu’en 1935 que le directeur récemment nommé, Robert A. McLaren, adopte une approche plus écologique de la population d’écureuils. Il a noté que « la vie des écureuils semble suivre des cycles, tout comme la plupart des animaux sauvages ».

À cette époque, et avec cette nouvelle perspective, la chasse et la récolte d’écureuils ont été arrêtées, sauf dans le cas où « la nature ne réduit pas les effectifs » par les maladies ou d’autres cycles naturels.

Comprendre l’intégrité écologique

Le chemin vers la compréhension de l’équilibre délicat de nos parcs n’a pas été rectiligne.

Nous continuons à apprendre de chaque expérience. Cette histoire explique entre autres pourquoi nous effectuons des comptages constants de la population de certaines espèces dans le parc Rondeau, nous menons des bioblitz et nous surveillons la santé des écosystèmes. Vous pouvez nous aider à surveiller la faune de nos parcs en utilisant l’application iNaturalist.

Toutes ces informations nous aident à comprendre ce que M. McLaren entrevoyait en 1935 : des écosystèmes sains dépendent de l’équilibre entre les espèces indigènes, et Parcs Ontario est là pour veiller à ce que cet équilibre soit maintenu à l’avenir.

Écureuil mangeant des graines sur le sol en pleine nature
Écureuil gris, de morphologie de couleur grise

Aujourd’hui, Parcs Ontario s’efforce de maintenir un haut degré d’intégrité écologique. Il s’agit de la force de chaque écosystème basée sur la biodiversité, ou variété de vie, que l’on y trouve.

Pour parvenir à cet équilibre, il faut notamment contrôler la propagation des espèces envahissantes et non indigènes  dans chaque écosystème et veiller à ce que les espèces indigènes ne soient pas éliminées des limites du parc.

Nous comprenons et reconnaissons maintenant que l’écureuil gris joue un rôle important dans le parc Rondeau et dans d’autres parcs. L’histoire des écureuils de Rondeau témoigne de tout ce que nous avons appris au fil des décennies.