J’ai entendu un bruit étrange la nuit dernière – c’était quoi?

Le billet d’aujourd’hui a été rédigé par Mark Read, interprète principal au parc provincial Murphys Point.

C’est une question qu’on pose presque chaque jour d’été aux interprètes du parc, et beaucoup de personnes sont persuadées de connaître la réponse :

« Oui, je suis à peu près sûr que c’était un petit-duc maculé – il poussait d’étranges cris perçants », ou, inversement, « ce n’était certainement pas un hibou ou un oiseau du genre, ça sonnait plutôt comme un singe ou un curieux chien ou autre chose. »

Plus souvent qu’autrement, le son que nos campeurs entendent est en fait celui d’une chouette rayée, espèce courante dans les forêts mixtes adultes de l’Ontario et de l’est de l’Amérique du Nord.

Barred Owl Photo credit: Mark D. Read
Photo : Mark D. Read

Pouvez-vous hululer comme une chouette rayée?

Alors que certains peuvent bien connaître le hululement traditionnel de la chouette rayée, qui se terminent par « ou-a » – très peu réalisent que ces chouettes émettent tout une série d’autres cris, y compris sifflements, toux, aboiements, et les cris perçants dont il a été question plus haut.

Les cris perçants et les sifflements sont poussés par (et pour) les oisillons. Il s’agit d’une sorte de cri de contact, qui signifie souvent quelque chose comme « Je suis ici – viens me nourrir ».

Je dois l’admettre : je n’avais pas la moindre idée de ce que j’entendais la première fois. Et, il faut bien le dire, ces cris peuvent faire dresser les cheveux sur la tête.

Qu’est-ce qu’il y a au menu?

Même si ses cris bizarres peuvent évoquer des animaux sauvages rampant lentement sur la tente, la chouette rayée n’est pas particulièrement aventureuse et s’éloigne rarement à plus de de son lieu de naissance.

Malgré cela, elle a réussi à se répandre dans les États du nord-ouest des États-Unis au cours du dernier siècle, et elle est maintenant présente en Californie, où elle déloge la chouette tachetée en voie de disparition, ou s’hybride avec elle. On sait qu’elle tue même ses parents plus petits et va jusqu’à chasser la minuscule petite nyctale. Il est à coup sûr étrange de se dire que les strigidés se chassent les uns les autres, mais c’est comme ça.

Toutefois, avec une envergure d’un peu plus d’un mètre et un poids d’environ un kilo, même la chouette rayée n’est pas en sécurité. Un grand-duc d’Amérique n’hésiterait pas une seconde à lui gâcher sa journée (ou sa nuit).

Chouette rayée

Le fait que la chouette rayée est plutôt sédentaire a des conséquences pour sa survie l’hiver. Heureusement, elle se nourrit d’un grand nombre de petits animaux, dont les écureuils, les tamias et les campagnols, ainsi que de nombreux types d’oiseaux, jusqu’à la taille du tétras.

Quelle est la durée de vie des chouettes rayées?

Si les chouettes ont une bonne saison de reproduction suivie d’un hiver rigoureux, le « surplus » de chouettes sera malheureusement victime d’une pénurie alimentaire, et beaucoup d’oiseaux s’affaibliront et mourront. Sans la possibilité de s’envoler vers le sud, une tempête de verglas aura des résultats semblables, puisque beaucoup de proies seront piégées sous la neige.

Cependant, quand tout va bien, la chouette rayée peut vivre plus de 20 ans. La plus vieille connue a vécu jusqu’à 24 ans. Sa longévité, son comportement sédentaire et sa grande taille signifient que, de tous les strigidés de l’Ontario, la chouette rayée est certainement la plus facile à localiser.

Comment reconnaître la chouette rayée

Au printemps et à l’été, ce sont les cris qui tendent à trahir la présence des oiseaux. Avec un peu de patience et en cherchant bien, on peut même voir des oisillons réclamer leur pitance à leurs parents. La plupart des oisillons quittent le nid en juin ou au début de juillet.

Si vous avez de la chance, vous pouvez en rencontrer un lors d’une promenade en forêt. Quand ils ont peur, ils ont tendance à s’éloigner en volant au lieu de compter sur leur camouflage. Ce n’est donc pas une bonne idée de trop s’approcher. L’hiver, quand il n’y a plus de feuilles, il devient beaucoup plus facile d’apercevoir une chouette rayée (à condition que vous braviez aussi les éléments!).

Pelotes de réjection

En fait, c’est en hiver que vous aurez peut-être la chance d’observer une autre particularité intéressante de la chouette rayée – qu’elle partage d’ailleurs avec tous les autres strigidés. Dans la photo ci-dessous, la chouette semble bâiller. En réalité, l’oiseau qui a fini de digérer son repas est en train de régurgiter  une pelote de réjection constituée des os et de la fourrure non digérés de son dernier repas.

Barred Owl
Photo : Mark D. Read

Ces pelotes sont stockées dans un organe appelée estomac glandulaire pendant une période pouvant aller jusqu’à 20 heures. Comme elles bloquent partiellement l’entrée du système digestif, les pelotes doivent être régurgitées avant que le strigidé puisse se nourrir à nouveau.

Acrobaties de la chouettes rayée

Voici un autre comportement fascinant : les jeunes chouettes rayées ont la capacité de grimper le long des troncs d’arbres en utilisant leur bec et la griffe arrière de leurs serres pour s’agripper à l’écorce et ainsi « marcher » le long du tronc tout en battant des ailes pour assurer leur équilibre.  Elles ne conservent cette capacité que pendant une courte période, lorsqu’elles apprennent à voler, et personnellement je ne l’ai jamais observée.

Alors, la prochaine fois que vous serez effrayés par des cris bizarres la nuit, rappelez-vous le mode de vie et la lutte pour la survie incroyables de la chouette rayée, et regardez à l’extérieur de votre tente. Avec un peu de chance, vous apercevrez un strigidé.