Au-delà de la lumière d’un feu de camp

Au-delà de la lumière d’un feu de camp

Le billet d’aujourd’hui a été envoyé par Roger LaFontaine, naturaliste des parcs, biologiste de formation classique et chercheur amateur de Sasquatch. Il a passé près de deux décennies à rechercher et à documenter la présence du Sasquatch en Ontario.

J’ai toujours été intéressé par les créatures que d’autres n’aiment pas : les invertébrés sous une bûche, les salamandres dans le sol, les bestioles nocturnes et même un mammifère timide qui se cache dans la pénombre, au-delà de mon feu de camp.

Mon intérêt pour les créatures obscures a commencé il y a plusieurs années lorsque j’ai trouvé une piste étrange le long de la berge d’une rivière…

Roger avec un moulage de plâtre
Le chercheur Roger LaFontaine avec l’empreinte de plâtre moulée d’un présumé jeune Sasquatch du nord-est de l’Ontario

Des espèces inconnues existent-elles dans l’Ontario sauvage?

Bien que l’Ontario soit la plus peuplée du Canada et que ses régions soient fortement industrialisées, cette province demeure encore assez à l’état sauvage.

forest

Depuis 1893, Parcs Ontario protège d’importants espaces. Dans environ 10 % de la province, on dénombre plus de 330 parcs provinciaux. Ces espaces protégés préservent des habitats d’un monde en pleine urbanisation et permettent de mener des recherches importantes, en particulier sur les espèces en péril.

Alors que de nombreux parcs disposent d’un inventaire détaillé de la flore et de la faune, d’autres ne seront peut-être jamais catalogués.

Et certaines espèces sont exceptionnellement difficiles à repérer.

Le cas du Sasquatch

Aussi connu sous le nom de « Bigfoot » et « Homme des bois », le Sasquatch serait un grand primate poilu qui vivrait principalement dans l’Ouest canadien. Des témoins oculaires prétendent avoir observé sa présence en Ontario. Bien que nous puissions imaginer la silhouette d’un Sasquatch, peu de personnes peuvent se targuer de l’avoir vu.

Chercheur  à la recherche de preuves du Sasquatch
Chercheur scrutant l’horizon à la recherche d’un Sasquatch. La zone de transition  entre deux habitats (appelé « écotone ») est un bon endroit pour observer la faune

Les chercheurs pensent que le Sasquatch est une espèce éteinte de primates géants, le Gigantopithecus blacki, connue grâce à des fossiles paléozoïques asiatiques datant de plusieurs millions d’années. On pense, comme tant d’autres animaux nord-américains, y compris l’orignal, que le Gigantopithecus a traversé la langue de terre de Béring de l’Asie pour venir s’établir en Amérique du Nord au cours du pléistocène.

On décrit souvent le Sasquatch comme un bipède couvert de longs poils noirs dont la taille peut atteindre 2 à 3 mètres. Il a de longs bras, des épaules repliées, pas de cou et une tête allongée. La couleur de son corps très poilu peut varier. Il aurait une toison noire, brun foncé, brun clair et même brillante.

Observation de Sasquatch

sticks
Tas de bâtons entremêlés, peut-être préparé par un Sasquatch (centre de l’Ontario)

De nombreux campeurs ont signalé avoir brièvement observé dans les parcs d’étranges créatures ayant généralement la forme d’un singe géant courant sur un sentier, un portage ou sur une route. Des bruits étranges ont également été entendus autour d’un feu de camp. D’autres font simplement état d’un « sentiment d’avoir été observé ».

Les autres signes laissés par le Sasquatch incluent des piles de bois soigneusement entassées, des traces de griffes sur les arbres et, bien sûr, d’énormes empreintes de pas dans la boue ou la neige.

Traces de Sasquatch
Empreintes présumées d’un Sasquatch dans la neige peu profonde (à gauche). Notez la longue foulée et la grande taille des impressions et, à droite, l’évasement des orteils et une réduction progressive du talon

Bien que difficiles à prouver, ces observations ont leur utilité pour les chercheurs de Sasquatch

Que savons-nous des Sasquatch??

  • Ce sont des omnivores qui se nourrissent de plantes, de racines, de baies, de champignons et — le cas échéant — de viande.
  • Ce sont des êtres sociaux, voyageant souvent en petits groupes ou en familles. De nombreuses observations portent d’abord sur un jeune Sasquatch, puis sur un parent qui le protège ou le porte.
  • Malgré leur grande taille, ils arrivent à se cacher à proximité des humains. Ils sont également très rapides et peuvent disparaître dans les broussailles denses et hautes sans faire de bruit. Les Sasquatch jouent à «?cache-cache?» (en se dissimulant derrière ou entre les arbres)
Parc provincial Blue Lake -
Le jeu de « cache-cache » perturbe la silhouette du Sasquatch, ce qui le rend difficile à repérer.
  • Ils communiquent par des vocalisations. Ils peuvent même se faire entendre et leur langage n’est pas différent de celui des humains
  • Ils sont peu nombreux et dispersés. Ils peuvent être semi-nomades pour éviter la surexploitation ou la dégradation de leur habitat
  • Ils sont curieux de connaître les humains et nos activités. Il a été rapporté qu’ils nous observaient de loin. Ces sont des êtres inoffensifs pour l’homme

Devons-nous protéger le Sasquatch?

En matière de conservation, certaines espèces sont des « espèces clés de voûte », ce qui signifie que l’effet écologique d’une espèce permet de conserver de nombreuses caractéristiques importantes de l’habitat d’autres variétés.

cours d'eau de castors
Pour les « espèces clés de voûte », pensons aux castors : un seul barrage de castors modifie le paysage, créant ainsi un riche habitat pour d’autres plantes et créatures

D’autres espèces sont des « espèces parapluies » dont l’habitat doit être sauvegardé pour que soient conservées d’autres espèces.

3 loups
Pour les « espèces parapluies », pensons aux loups : la protection de vastes étendues sauvages profite directement aux loups, mais également à tous les organismes vivant dans cet écopaysage

Bien que le Sasquatch ne figure pas officiellement dans les inventaires officiels des sciences de la vie dans aucun parc, on pense qu’il habite certains des parcs les plus éloignés de la province et qu’il a besoin de vastes zones protégées pour survivre.

Contrée sauvage de l'Ontario

La chercheuse Pat « Squatchy » Pratt suggère que le Sasquatch pourrait être l’emblème ultime de la conservation :

« En préservant les vastes forêts intactes qui pourraient abriter une population de Sasquatch, nous pouvons ultimement protéger toutes les espèces qui y vivent — le Sasquatch agit comme espèce clé et faîtière. Bien que je ne dispose que de très peu de preuves de l’existence du Sasquatch, il est impossible qu’il existe sans un habitat suffisant. Je préfère vivre en Ontario qui compte suffisamment d’endroits sauvages pour que le Sasquatch puisse y vivre, même si ce n’est que du domaine des possibilités. » [traduction]

Le Sasquatch fait peut-être partie des espèces en péril les plus vulnérables. Nous ne savons que très peu de choses sur leur écologie, leur répartition ou leurs besoins en matière d’habitat. Aucune recherche officielle n’a été menée sur le Sasquatch, car même des scientifiques à l’esprit très ouvert craignent de perdre des fonds au détriment de leur croyance en une espèce qui, pour la plupart, a été déclarée un mythe ou un canular.

Cela n’en tient qu’à vous

Nos parcs ne servent pas uniquement à la récréation humaine?; ils préservent également l’intégrité écologique de notre paysage.

N’oubliez pas : la prochaine fois que vous partirez en camping ou en randonnée, que vous partagerez peut-être l’habitat d’un Sasquatch. Suivez notre liste de vérification de l’intégrité écologique pour vous assurer de protéger les espaces sauvages de l’Ontario.

Et n’ayez pas peur. Comme vous, le Sasquatch fait partie du paysage, mais «?il se dissimule à votre regard?». Si, dans un parc, vous vous sentez observé, assurez-vous d’explorer ce parc  de manière responsable et levez votre regard vers la cime des arbres.