Attention : bruit!

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Comment les oiseaux s’accommodent-ils à notre monde de plus en plus bruyant?

Nous vivons dans un monde bruyant, et cela peut présenter des difficultés aux animaux qui doivent pouvoir s’entendre pour savoir où il y a de la nourriture et si des prédateurs sont près d’eux, et trouver un partenaire avec qui s’accoupler. De nombreuses espèces de mammifères, d’oiseaux, de poissons et de grenouilles émettent des sons plus forts, plus longs ou plus aigus pour être entendus où il y a beaucoup de bruit. Même de cette façon, toutefois, leurs sons ne se propagent pas toujours assez loin ou ne transmettent pas toujours la même information que s’ils avaient été émis normalement.

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Nous réagissons au bruit de la même façon. Imaginez-vous dans une salle bruyante, par exemple une salle de classe remplie de jeunes enfants ou une grande réunion familiale. Imaginez-vous maintenant en train d’essayer de parler avec quelqu’un à l’autre bout de la salle. Pour attirer son attention, vous pourriez lui faire un signe de la main et l’appeler à haute voix. Quand vous avez attiré son attention, vous pourriez décider d’écourter votre conversation ou de carrément l’abandonner si vous trouvez que le bruit est trop difficile à surmonter. On appelle « effet Lombard » ce qui nous fait parler plus fort pour compenser la présence de bruits environnants. C’est une réaction naturelle au bruit que nous avons en commun avec de nombreux animaux.

Les scientifiques ont montré que, chez les animaux, les individus communiquent différemment quand ils sont entourés de bruit. Nous ne savons toutefois pas encore comment un milieu bruyant modifie les communications au sein des groupes d’animaux. La vie de tous les jours chez les animaux qui vivent en groupe est très mouvementée. Nombreux sont les moyens qu’emploient les animaux pour se renseigner sur leurs rivaux et leurs partenaires potentiels. Les femelles écoutent les concours de chants auxquels se livrent les mâles rivaux. Les mâles « se vantent » quand certaines femelles ou certains mâles se trouvent à portée de voix. La façon dont le bruit modifie la transmission de renseignements et l’étendue des réseaux de communication des animaux sont les objectifs principaux de mes travaux de recherche.

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Au cours du printemps et de l’été 2014, j’ai enregistré des communautés d’oiseaux dans 10 parcs provinciaux dans le sud-ouest de l’Ontario, dont les parcs Balsam LakeSilent Lake et Sharbot Lake. Dans chaque parc, j’ai installé des appareils enregistreurs automatisés munis de petits microphones. Je les ai programmés pour qu’ils enregistrent entre avant le lever du soleil et tard le matin, ce qui est, pour bon nombre des espèces d’oiseaux présentes dans les parcs, la période de plus grande activité sonore. J’ai utilisé un sonomètre pour mesurer l’intensité des bruits dans chaque parc, et je vais comparer et les chants des oiseaux et la façon dont les oiseaux communiquent entre eux selon l’intensité des bruits environnants mesurée dans chacun des parcs. Certains des endroits où j’ai enregistré étaient situés près de routes très passantes (notamment les parcs Darlington et Mark S. Burnham). D’autres se trouvaient à des endroits relativement paisibles, près de routes de campagnes où la circulation est faible (notamment le parc Peter’s Woods).

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Étonnamment, d’après mes résultats préliminaires, l’intensité du bruit d’un parc à l’autre n’est pas aussi prononcée que prévu. Perplexe, j’ai hâte d’examiner de plus près mes enregistrements pour voir exactement où se situe l’énergie sonore dans l’espace sonore de chaque parc. J’ai dans l’idée que les parcs situés près de routes très passantes ont beaucoup de leur énergie sonore concentrée dans la bande de fréquences inférieure, en raison des sons sourds produits par le roulement des voitures. Dans les parcs éloignés des routes, l’énergie sonore devrait être concentrée dans la bande de fréquences supérieure, en raison des sons vocaux que produisent les insectes et d’autres animaux.

J’ai le goût d’examiner les chants de certaines espèces d’oiseaux qui vivent dans la plupart des parcs ou même tous les parcs que j’ai visités, notamment la mésange à tête noire, pour voir dans quelle bande de fréquences elles chantent et comparer cela aux endroits où se trouve, dans chaque parc, la plus forte énergie sonore. Je crois que leurs chants pourraient être émis à une fréquence un peu plus élevée dans les zones où le bruit de la circulation est intense par comparaison aux zones plus paisibles. Je vais aussi examiner mon réseau de microphones pour voir à quelle distance les oiseaux chanteurs se trouvent les uns des autres, et déterminer le nombre de voisins avec lesquels ils conversent régulièrement. Dans les parcs plutôt bruyants, les oiseaux communiquent probablement avec un nombre moindre de voisins ou se réunissent en groupe plus serré pour pouvoir s’entendre malgré le bruit.

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L’accroissement des activités humaines partout dans le monde a entraîné récemment une hausse spectaculaire de l’intensité des sons graves. En Ontario, les parcs provinciaux, particulièrement dans le sud de l’Ontario, une région très peuplée, offrent à nos animaux indigènes de petites zones d’habitat relativement vierges dont ils ont grand besoin. Les effets du bruit sont toutefois très étendus et pourraient particulièrement faire problème aux espèces en péril, ce qui pourrait réduire encore davantage les habitats dont elles ont besoin pour vivre et se reproduire, et ajouter une autre difficulté à leur lutte pour la vie. Voir comment les animaux réagissent au bruit pourrait nous aider à les protéger.

Lauren Fitzsimmons habite à Peterborough. Elle fait actuellement des travaux de recherche postdoctoraux dans le laboratoire de Dan Mennill, à l’Université de Windsor.