Dans le billet d’aujourd’hui, Conor Mihell saisit l’intemporalité du parc provincial Wabakimi.
Le crissement des pneus de voiture sur le gravier disparaissant au loin est le doux son de la liberté après de nombreuses et longues heures sur la route. Le silence s’enfonce et tout à coup mon épouse Kim et moi sommes seuls et confrontés à la tâche de charger dans notre canot la nourriture et l’équipement pour 24 jours et de partir en expédition pour le lac Little Caribou, en face du parc provincial Wabakimi.
La solitude est à la fois intimidante et palpitante; il y a peu d’endroits où le sentiment est plus intense que dans l’arrière-pays du Nord-Ouest de l’Ontario.
Première partie : l’Ouest
Il s’agit de notre troisième séjour à Wabakimi, et de loin le plus ambitieux. Lors des périples précédents, nous étions arrivés par hydravion affrété et un service de voyageurs de VIA Rail, avec de grandes options pour ceux à court de temps ou à la recherche d’une expérience nostalgique des voyages par train avec un canot.
Nous avons choisi une navette de véhicule par Wildwaters, établie à Armstrong. Le pourvoyeur entreposerait notre véhicule et viendrait nous chercher à un autre point d’accès à la fin du voyage. L’accès par route jusqu’à Wabakimi est très limité, mais en ayant le luxe d’avoir un voyage plus long, nous avions l’option de prévoir facilement des navettes de véhicules moins chères.
Le parc provincial Wabakimi compte 8 920 km2 (3 440 mi2) et est deux fois la superficie de la région sauvage Boundary Waters Canoe Area du Minnesota. Il s’agit d’un paysage de granite formé par les glaciers, recouvert d’épinettes et de bouleaux touffus de la forêt boréale.
provincial Wabakimi comme un réseau circulatoire aquatique, se vidant au nord de la baie James à partir de l’océan Arctique. Vous pourriez y pagayer pour l’éternité.
Au bout d’une journée en partant à l’ouest du lac Little Caribou, nous arrivons au labyrinthique lac Smoothrock. J’adore le défi de trouver les points de repère sur les cartes topographiques; sur des grands lacs comme le Smoothrock, je passe la plupart de mon temps à scruter les alentours, et le reste du temps à identifier les divers promontoires et les îles illustrés sur la carte.
Il s’agit d’une ancienne région de canots et il est toujours fascinant découvrir les portages (qui ne sont pas indiqués dans le parc Wabakimi) placés aux emplacements les plus logiques. Nous campons le quatrième soir au lac McWade, en haut d’un cap qui semble être une halte depuis la nuit des temps
Quelle sensation de se détendre et d’être absorbé par le rythme mesuré de l’expédition en canot; notre cadence semble correspondre à la fréquence du parc.
Deuxième partie : le Nord
C’est la mi-août, et le niveau de la rivière Flindt à l’ouest de la limite du Wabakimi est bas. Nous avons dû faire de nombreux portages pour nous rendre ici, passant du lac Brennan aux sources de la rivière Flindt.
En nous dirigeant vers le nord, nous anticipions davantage de portages alors que nous descendrions la rivière. Notre compte dépassera bien 70 portages avant la fin de l’expédition.
Wabakimi est assez grand pour permettre aux processus de l’écosystème de fonctionner naturellement sans intervention humaine. La faune et la flore sont essentielles à l’écosystème boréal, et nous remarquons l’incidence du feu sur la rivière Flindt, qui divise en deux un incendie important.
Entre les arbres carbonisés pousse une végétation luxuriante, notamment de l’épilobe à feuilles étroites mauve et de délicieux bleuets. C’est incroyable de voir comment le feu s’est propagé à travers le paysage, détruisant certaines places et en épargnant d’autres.
D’un point de vue plus pratique, nous étions heureux que l’équipe d’entretien de l’arrière-pays de Parcs Ontario dirigée par les Premières Nations ait dégagé de nombreux petits points de portage qui ponctuaient notre descente. Après trois jours, la rivière devenait familière; nous suivions le courant jusqu’au lac Tew et tournions vers l’est, au cœur du parc provincial Wabakimi.
Troisième partie : l’Est
Tout comme Wabakimi respecte l’intégrité écologique, le parc se définit également par bassins versants. Enfin, la plupart des ruisseaux et rivières du parc coulent dans la rivière Albany, l’autoroute liquide de l’extrême-nord de l’Ontario.
À l’étendue du lac Wabakimi, la rivière Flindt rencontre la rivière Ogoki, qui divise le centre du parc en deux, capturant des affluents et prenant du volume à son passage de l’est vers le nord.
Heureusement, nous avons trouvé un des nombreux terrains de camping du lac Wabakimi quelques moments avant qu’un orage d’après-midi nous force à nous réfugier dans la tente battue par le vent. Le Nord-Ouest de l’Ontario est malheureusement connu pour ses orages spectaculaires. Ils sont surtout de courte durée, mais il est essentiel que les canoéistes surveillent le ciel de l’après-midi et soient préparés à sortir de l’eau à court préavis.
Des déluges brefs et puissants se sont produits quatre fois lors de notre périple de 24 jours, suffisamment pour me rendre nerveux au premier aperçu d’un nuage en forme d’enclume.
Il y a suffisamment d’eau dans l’impétueuse rivière Ogoki pour que nous parcourions plus d’une demi-douzaine de rapides en nous rendant du lac Wabakimi aux lacs Kenoji et Oliver. Dans une région si reculée, il est essentiel de bien étudier chaque rapide; après avoir planifié une route, Kim et moi communiquons constamment en canot.
Malgré le fort courant, il y a un processus raisonné pour pagayer de manière sécuritaire dans l’eau en mouvement — et surtout après une descente bien réussie.
L’étape est de notre expédition est la plus longue. La rivière Ogoki finit par nous mener au lac Whitewater, la plus grande étendue d’eau de notre route. D’ici, nous continuons à descendre la rivière pour nous retrouver aux rives peu profondes et sablonneuses du lac Whiteclay.
Après presque trois semaines sur l’eau, nous nous sentons prêts à nous attaquer à la partie la plus difficile de notre parcours – une route en amont peu connue à la hauteur des terres sur la rivière Raymond et dans l’ensemble du bassin versant au lac Cliff.
Quatrième partie : le Sud
La situation est devenue inquiétante lorsque nous nous dirigions vers le sud : nous ne trouvions pas la rivière Raymond. Nous sommes retournés en arrière, inspectant la rive marécageuse pour une embouchure. Nous avons fini par découvrir un petit chenal en eau profonde qui nous a menés à un vaste bassin boueux.
Nous nous interrogions sur notre décision à pagayer ce corridor obscur pendant cette saison évidente d’eaux basses. Mais à chaque coude la rivière, notre appréhension s’estompait. Au passage étroit de la rivière Raymond; nous avons dû revenir en arrière plusieurs fois à travers d’anciens points de portage, nos pas se mélangeant à ceux des traces de sabots des orignaux, dans cette faune et flore rarement visitées à la hauteur des terres.
Il est évident que peu de pagayeurs se rendent jusqu’à ici de nos jours, mais si on regarde plus attentivement, il est évident qu’il s’agissait d’un corridor de pagayeurs depuis longtemps. L’héritage des Premières Nations est ancré dans les sentiers de portage longs et ardus; écrits en pictogrammes rouge sang du lac Cliff; et capturés à l’aide de noms d’endroits mystérieux comme le lac Bad Medicine.
Juste au moment où nous aimerions que le temps s’immobilise, notre voyage arrive à sa fin. Pour un instant, le temps s’arrête au lac Cliff. Un morceau irrégulier dans la croûte terrestre contient ce lac remarquable. Nous continuons lentement sous ses rives homonymes, en regardant les innombrables formes de pictogrammes.
Nous flottons en silence et avec respect. Avant de retourner au camp, nous laissons un bout de tabac sur l’eau en gage de gratitude pour les riches possibilités qu’offre une journée de halte dans un endroit exceptionnel.
Je sais que nous suivrons cette offrande sacrée à mesure que nous pagayons vers le sud; dans deux jours, notre aventure sera terminée.
Conor Mihell est un écrivain primé spécialisé dans l’environnement et les voyages d’aventure habitant à Sault Ste. Marie. Voici où trouvez ses articles : Globe and Mail, Explore, Cottage Life, Canoe & Kayak, ON Nature, ainsi que d’autres revues et journaux.
Le parc provincial Wabakimi est l’un des trois parcs du réseau de Parcs Ontario qui font partie du concours Découvrez les espaces sauvages du Nord-Ouest.