Plus de peur que de mal

Le billet d’aujourd’hui provient de Jared Sanders, membre de l’équipe de gestion des ressources au parc provincial Pinery.

Quand j’étais jeune, la vue de n’importe quel insecte volant noir et jaune m’effrayait.

Tout enfant qui s’est fait piquer apprend vite qu’il faut faire attention aux abeilles et aux guêpes!

Avance rapide à quelques années plus tard, lors d’un des séjours de camping annuel en famille au parc provincial Pinery.

Mes parents venaient de m’acheter une boule de crème glacée lorsque nous sommes tombés sur un panneau qui représentait l’un des spectacles les plus effrayants que j’aurais pu imaginer : une guêpe de plusieurs fois plus grosse que toute guêpe jaune que j’ai vue!

J’ai couru vers mes parents et ils m’ont dit la même chose qu’ils me disaient toujours « Si tu ne les embêtes pas et elles ne t’embêteront pas ». Mes huit ans d’observation empirique que j’avais semblaient indiquer le contraire.

À ma grande surprise, le séjour s’est déroulé sans qu’un de ces insectes qui semblaient effrayantes ne m’attaque. Mais j’étais loin de me douter que ce ne serait pas ma dernière rencontre…

La guêpe tueuse de cigales de l’Est

L’été 2019 a été ma première année de travail au sein de l’équipe du programme Découverte au parc Pinery. J’étais emballé de travailler au parc et de redécouvrir sa faune fascinante à l’âge adulte.

Mon superviseur m’avait informé que l’un des projets à l’ordre du jour de l’été serait d’installer des panneaux pour éduquer et sensibiliser le public à la guêpe tueuse de cigales de l’Est (Sphecius speciosus), une espèce rare qui fait son nid chaque année au parc.

Une guêpe

C’étaient les mêmes insectes qui m’avaient fait peur il y a des années. Après quelques années d’expérience, j’avais surmonté mes peurs. J’avais hâte d’en savoir plus sur cette espèce rare et contribuer à sa conservation.

J’aimerais maintenant partager avec vous une partie de ce que j’ai appris, dans l’espoir que vous aussi vous trouverez une nouvelle appréciation de ces guêpes si incomprises!

Une créature incomprise

La guêpe tueuse de cigales de l’Est est une espèce très rare dans la province de l’Ontario, mais nous avons la chance de la trouver à plusieurs endroits au parc Pinery.

Elle tient son nom des cigales qu’elle utilise pour nourrir ses larves, mais le terme « tueuse de cigales » est en fait une appellation trompeuse!

Les guêpes adultes ne tuent pas immédiatement les cigales, en fait elles les paralysent, mais ce n’est qu’une des nombreuses fausses idées qui leur donnent une mauvaise réputation!

Une guêpe pugnace

La guêpe tueuse de cigales devient adulte au début du mois de juillet après avoir hiverné dans un terrier sous forme de nymphe en cocon.

Une guêpe près d’un monticule

C’est pendant les mois d’été que les guêpes tueuses de cigales sont le plus visibles, car elles volent pour défendre leur territoire et chercher des partenaires. Après l’accouplement, les femelles creusent leur nid dans un sol sablonneux et exposé au soleil.

Ces nids peuvent avoir jusqu’à un demi-mètre de profondeur et sont facilement visibles car, lorsque la guêpe creuse, elle entasse le sable qu’elle retire autour de l’entrée de son terrier, créant ainsi un monticule facilement reconnaissable.

Quand elle a fini de creuser, la femelle guêpe tueuse de cigales part à la chasse!

Elle cherche la plus grosse cigale qu’elle peut trouver et lui injecte un venin paralysant à l’aide de son formidable dard. Les cigales sont souvent plus lourdes que les guêpes elles-mêmes et, dans la plupart des cas, sont trop lourdes pour qu’elles puissant voler avec.

Mais ne vous inquiétez pas, ces futures mères ingénieuses savent comment contourner ce fait!

Plutôt que de retourner à leur nid, les guêpes grimpent à plusieurs reprises aux arbres avec la cigale à la traîne et sautent, en glissant vers le bas en direction du leur nid.  Elles entraînent ensuite la cigale paralysée dans leurs monticules, créant ainsi ce qui semble être le glissement le plus morbide du monde.

Elle place la cigale encore paralysée dans son terrier et pond un œuf sous sa deuxième et troisième patte. Cette cigale fournira de la nourriture à sa larve jusqu’à ce qu’elle soit assez grande pour faire tourner une coque de larve et passer l’hiver.

Les femelles pendent en moyenne 15 œufs dans chaque terrier et se nourrissent chacune de 1 à 3 cigales. Cela signifie qu’une seule femelle peut récolter plus de 45 cigales pendant sa courte vie.

Cependant, elle n’en garde pas pour elle. Comme la plupart des autres abeilles et guêpes, les adultes se nourrissent du nectar des fleurs, et ont laissé derrière elles leurs jours où elles se nourrissaient de cigales.

Laissez-les tranquilles

Malgré leur apparence redoutable et leur nom de dur à cuire, les tueuses de cigales sont en fait tout à fait inoffensives.

Elles ne piquent que les humains que lorsqu’elles sont manipulées, en dernier recours. Même lorsque les gens se promènent dans une zone comptant plusieurs terriers, elles poursuivent leurs activités et espèrent que vous ferez de même.

Non seulement nous ne devrions pas avoir peur des guêpes tueuses de cigales, mais nous devrions essayer activement de les protéger. Ces guêpes jouent un rôle dans la limitation des populations de cigales, ce qui contribue à maintenir l’équilibre écologique.

La conservation des guêpes tueuses de cigales de l’Est est importante, car la préservation de la biodiversité indigène est cruciale pour maintenir un écosystème résistant et fonctionnel au parc Pinery.

Regardez de plus près

Cette année a posé un nouvel obstacle à la conservation des guêpes tueuses de cigales de l’Est.

Dernièrement, le frelon géant d’Asie (qu’on appelle parfois le « frelon meurtrier ») a fait parler de lui dans l’actualité nord-américaine et sur les médias sociaux.

Une guêpe sur une feuille

On n’a pas encore trouvé de ces frelons en Ontario, et on a documenté l’observation de seulement quelques-uns en Colombie-Britannique.

Bien qu’ils soient surnommés « frelons meurtriers », leur introduction constitue une menace importante pour l’apiculture et les écosystèmes canadiens dans leur ensemble, plutôt que pour les humains.

Étant donné que ces insectes sont devenus si célèbres, certaines personnes qui n’ont entendu parler des « frelons meurtriers » qu’en passant pourraient croire que les guêpes tueuses de cigales de l’Est correspondent à leur description.

Par conséquent, les efforts de conservation doivent maintenant tenir compte de la peur accrue des grands insectes piqueurs et de la perception du public qui pense que toute guêpe intimidante soit des « frelons meurtriers ».

Une nouvelle appréciation

Maintenant que j’ai passé tout l’été à connaître, apprécier et protéger ces créatures qui font partie de la biodiversité unique du parc provincial Pinery, j’aimerais pouvoir dire au garçon de 8 ans que j’étais d’avoir moins peur.

Une guêpe tueuse de cigales

Je sais désormais que les guêpes tueuses de cigales ne sont rien d’autres que des géantes gentilles qui sont vraiment incomprises.

Surtout maintenant avec les « frelons meurtriers » dans l’esprit de tout le monde, il est plus important que jamais de faire connaître cette espèce rare aux gens afin qu’ils ne soient pas écrasés par la peur d’un campeur qui pensait comme moi autrefois.