Une flore à découvrir : les plantes arctiques-alpines à répartition discontinue sur les rives du lac Supérieur

Le billet d’aujourd’hui a été rédigé par Lesley Ng, naturaliste au parc provincial Sleeping Giant.

Saviez-vous qu’il y a des fleurs magnifiques qui sont adaptées à la toundra arctique ou à l’environnement alpin? Bref, elles aiment le froid!

Et nous n’avons pas à traverser la toundra ou à gravir une montagne pour les voir. Il suffit de faire une promenade printanière sur les rives du lac Supérieur.

Préparez-vous à voir des plantes arctiques-alpines à répartition discontinue! Que veut dire « répartition discontinue »?

Ces plantes sont habituellement présentes beaucoup plus au nord, mais ici elles se trouvent isolées de leurs aires de répartition principales par la forêt boréale. Il s’agit donc de plantes « disjointes », c’est-à-dire qu’elles sont éloignées de leur habitat arctique-alpin habituel.

Nous ne sommes pas dans l’arctique, ou dans les montagnes, alors pourquoi sont-elles ici?

butterwort

Les plantes arctiques-alpines à répartition discontinue survivent sur les rives du lac Supérieur grâce aux microclimats créés par la taille du plan d’eau. Les chercheurs pensent que ces plantes amoureuses du froid sont des fossiles vivants de la plus récente glaciation.

Il y a environ 10 000 ans, la glaciation du Wisconsin couvrait la plus grande partie du Canada. En se formant, les nappes glaciaires ont repoussé vers le sud des plantes des régions nordiques, qui ont établi des populations à la périphérie des nappes. Au moment du retrait des nappes glaciaires, les plantes arctiques-alpines ont suivi.

Dans les régions froides qui ne permettaient pas la survie d’espèces des régions chaudes, les plantes arctiques ont pu s’établir. Environ 100 espèces sont considérées comme des espèces arctiques-alpines à répartition discontinue dans la région des Grands Lacs.

Une vie…dure comme la roche

Les rives du lac Supérieur sont un environnement éprouvant pour toutes les formes de vie. Pourtant, les falaises et les eaux froides du lac Supérieur sont un microhabitat convenant bien à ces espèces qui aiment le froid.

Saxifrage incrustée
Saxifrage incrustée

Ces plantes spécialisées peuvent résister aux temps froids et aux sols pauvres en nutriments des fissures de rochers qui se trouvent le long de la rive. Les plantes arctiques-alpines à répartition discontinue poussent souvent dans des sols volcaniques ou des sols riches en chaux, qui ont une forte teneur en calcium. Ces sols ont habituellement peu de profondeur, si bien que les racines ont un contact direct avec la roche sous-jacente.

Les plantes arctiques-alpines à répartition discontinue ont une croissance lente et une saison de végétation très courte. Elles sont habituellement d’une taille réduite en raison des vents froids et des grandes variations de température que leur fait subir le lac. Cette taille modeste donne également à la plante une meilleure chance d’utiliser la neige comme isolant.

Les plantes arctiques-alpines des rives du lac Supérieur

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Chaque printemps, je ne manque pas de me rendre à plusieurs reprises sur les rives du lac Supérieur pour me régaler les yeux de ces merveilles botaniques. La période de floraison est courte, mais elle récompense bien le randonneur.

Si vous avez l’occasion de vous rendre sur les rives du lac Supérieur en mai ou au début de juin, réjouissez-vous, car c’est la meilleure saison pour observer les plantes arctiques-alpines!

Prenez une caméra, votre matériel d’identification, et n’hésitez pas à vous agenouiller. Vous devrez faire un certain effort d’observation, car ces plantes sont discrètes et passent souvent inaperçues.

Ces petits bijoux botaniques sont des annonciateurs du printemps, des superhéros de la survie en conditions extrêmes et un digne symbole de la majesté du lac Supérieur.

Primevère du lac Mistassini

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Les pétales lobés se rejoignent en un centre jaune, trait caractéristique de cette plante. Cette fleur rose modeste a la taille de votre petit doigt. Elle vous rappelle peut-être les primevères que vous pouvez trouver facilement chez des fleuristes. Elles sont en effet de la même famille.

Grassette vulgaire

Common butterwort

Ne vous laissez pas tromper par ces jolies petites fleurs violettes, qui sont carnivores! Les grassettes vulgaires répondent à leur besoin en azote en attrapant des insectes insouciants. En regardant de près, vous verrez peut-être les restes de ces malchanceux sur les feuilles de la plante. Ses feuilles gluantes attirent leurs proies, qui restent prises au piège au premier contact. En essayant désespérément de se libérer, les insectes déclenchent une sécrétion d’enzymes qui finissent par les suffoquer et digérer les nutriments de leur organisme.

Saxifrage incrustée

Saxifrage

Cette plante arctique de relativement bonne dimension et qui aime la chaux préfère les façades rocheuses faisant face au nord. En regardant de près, vous remarquerez la croûte blanchâtre recouvrant ses feuilles dodues qui ressemblent à celles d’une plante grasse. Par évaporation, un dépôt de chaux se forme à la pointe des feuilles, ce qui a donné son nom à l’espèce.

Pourquoi sont-elles importantes?

Les plantes arctiques-alpines à répartition discontinue sont des espèces indicatrices.

Cela signifie qu’elles nous aident à évaluer l’état de santé de leur écosystème. Leur besoin d’habitat froid nous aide ainsi à surveiller les effets des changements climatiques.

Les plantes arctiques-alpines à répartition discontinue contribuent à la biodiversité.

Les plantes arctiques-alpines contribuent à la richesse et à la diversité de la flore des habitats de la rive nord du lac Supérieur.

Les plantes arctiques-alpines à répartition discontinue nous aident à exercer une surveillance à long terme.

Nous pouvons en effet utiliser ces plantes comme des indicateurs de référence dans des projets de recherche, car ces espèces se trouvent habituellement dans des habitats spécialisés.