L’année des grandes eaux à Presqu’ile

Le billet d’aujourd’hui a été rédigé par David Bree, chargé des programmes éducatifs du patrimoine naturel au parc provincial Presqu’ile.

L’année 2017 a été très arrosée dans les parcs provinciaux.

Si vous avez vu le lac Ontario au cours de cette année, vous savez que les niveaux d’eau ont atteint des records.

Début mai, le lac était à 10 cm au-dessus de son niveau le plus élevé depuis 1918, l’année où on a commencé à prendre des mesures, soit un bon mètre au-dessus de la moyenne.

Les dommages que ces crues ont causés ont été bien documentés. Dans le parc provincial Presqu’ile, des installations ont été inondées, des parcelles de terrain ont été perdues à cause de l’érosion et nous avons dû fermer durant quatre semaines en juin pour éviter que notre paysage détrempé ne subisse d’autres dommages.

La crue nous a certainement causé du désagrément, mais quelles conséquences a-t-elle eu sur la nature et la faune du parc?

Conséquences de la crue
Superintendant inspects bluffs

Presqu’ile est né du lac.

Le parc est un tombolo de sable et de gravier reliant deux îles au large du rivage.

Depuis des milliers d’années, ce secteur connaît toutes sortes de problèmes dus à l’eau : eau basse, sécheresse, grosses vagues, et, bien sûr, crues record.

La nature a généralement un moyen de compenser les événements naturels extrêmes, et cette année n’a pas fait exception.

La crue record a fait des perdants, mais aussi des gagnants.

Comment s’en sont tirés les oiseaux?

Piping Plover

Le Pluvier siffleur est une des espèces qui ont subi les effets négatifs de la hausse des eaux. L’an dernier, cette espèce en voie de disparition a nidifié dans le parc pour la première fois depuis 100 ans.

À la fin d’avril, le pluvier mâle était de retour, prêt à occuper un territoire et à recommencer. Mais au cours des semaines suivantes, l’eau a continué de monter, et la plage a lentement été recouverte d’environ 10 cm d’eau.

Le Pluvier siffleur nidifie sur les plages. S’il n’y a pas de plages, il n’y a donc pas de nids. Notre mâle a jeté l’éponge et est reparti.

Shorebird at the beach

À l’opposé, la plage inondée de juillet a plu aux oiseaux de rivage à longues pattes migrant vers le sud. Nous n’avions jamais eu autant de Petits Chevaliers!

Nous avons aussi habituellement une petite colonie de reproduction d’Hirondelles de rivage et d’Hirondelles à ailes hérissées dans l’aire de fréquentation diurne. Ces espèces dont le nombre diminue se creusent des nids dans les petits escarpements du rivage.

Cette année, ces escarpements ont été battus par les vagues de façon répétée, et ont reculé par endroits de quelques pieds. Ç’aurait été suicidaire de tenter d’y nicher, et nos hirondelles n’ont même pas essayé.

Les arbres et les autres animaux

Dead trees in the pannes

Les pannes sont des aires ouvertes basses entre des dunes de sable. Cette année, nos pannes ont été recouvertes d’eau durant une longue période. Cela semble avoir tué un certain nombre de cèdres qui y poussaient.

Les pannes sont notre habitat le plus important à l’échelle mondiale, et on y trouvait trop d’arbres. Qu’il y en ait désormais moins n’était donc pas une si mauvaise chose pour la santé globale d’un habitat exceptionnel.

Close up of green frog on grass

Et parlant de pannes, grâce à toute cette eau inhabituelle ce fut une année faste pour la production de grenouilles et d’insectes aquatiques.

Les grenouilles utilisent les mares temporaires pour se reproduire. Ces mares s’assèchent généralement vers le mois de juillet, mais si elles s’assèchent trop tôt les têtards n’ont pas le temps de se transformer en grenouilles et meurent.

Les grenouilles n’ont pas eu à s’inquiéter cette année!

Close up of Blanding Turtle

L’excès de têtards a fait le bonheur de nos tortues. Avec un grand nombre de têtards, beaucoup de tortues sont passées des marais aux pannes pour se nourrir.

Tous les insectes aquatiques ont également constitué une source d’aliments abondante pour beaucoup d’oiseaux nicheurs.

Les pluies abondantes du printemps ont favorisé la luxuriance des plantes. Les insectes et les oiseaux ont donc été plus nombreux.

La crue a-t-elle donc été une mauvaise chose?

Ça dépend à qui vous posez la question.

Nous pouvons voir que dans le monde naturel il y a eu des gagnants et des perdants. Cela montre qu’il est nécessaire de préserver tout un éventail d’habitats dans l’ensemble de la province. Par exemple, s’il n’y a pas de plage ici cette année, nous avons besoin de plages dans l’intérieur où puissent aller les Pluviers siffleurs.

Il est important de préserver et de promouvoir un écosystème robuste et étendu. Cela permet à la nature d’encaisser les coups lors d’années extrêmes telles que celle-ci. Les perdants de cette année auront ainsi la possibilité de récupérer plus tard.

Cela signifie que nous devons protéger les habitats de nos parcs, mais nous devons également devenir de bons intendants de la terre ailleurs. Les parcs ne sont pas assez gros pour faire le travail seuls.

Si nous pouvons tous faire cela, nous serons en forme pour la prochaine année de crues exceptionnelles.

https://www.ontario.ca/fr/page/notre-adaptation-au-changement-climatique