La tortue qui s’est enfuie avec mon alliance

Dans le billet d’aujourd’hui, Brad Steinberg, notre coordonnateur des programmes d’éducation et d’apprentissage concernant le patrimoine naturel, raconte comment il a (en quelque sorte) demandé la main d’une tortue mouchetée.

C’était le 30 septembre, dernier jour de la saison de la pêche à la truite dans le parc Algonquin. Je parcourais péniblement un portage, un canot sur la tête, quand je l’ai aperçue : une belle grosse tortue mouchetée, perchée juste au départ de l’ancienne route.

Tortue mouchetée
Brad tenant une tortue mouchetée (AVANT de perdre son alliance).

Avec son menton d’un jaune vif et sa grosse carapace bombée, il était impossible de la rater. Mais avant que je puisse réagir, elle s’est laissée glisser dans le fossé inondé et est disparue sous la couche rouille de feuilles d’érable qui flottait à la surface de l’eau.

Ce n’est pas tout les jours qu’on tombe sur l’hibernacle d’une tortue (son lieu d’hibernation), particulièrement par hasard, alors j’étais passablement excité. Des recherches sur les tortues dans le parc Algonquin ont démontré qu’à la fin du mois de septembre les tortues mouchetées ont rejoint leur lieu d’hibernation en vue de l’hiver.

Hiberner ne se limite pas à simplement s’enfouir dans la boue pour les tortue mouchetées. Comme elles sont passablement vulnérables l’hiver, elles ont besoin d’un endroit où elles ne seront pas trop exposées aux loutres qui seraient trop heureuses d’avoir une tortue en état d’hibernation à se mettre sous la dent. Elles ne veulent pas non plus être dans une eau trop peu profonde et qui risquerait de geler jusqu’au fond et de les tuer.

L’endroit idéal est un étang alimenté par des eaux souterraines  la tortue sera au froid, mais qui ne gèle pas complètement. Les fossés le long des routes offrent parfois ces conditions et certaines tortues y sont attirées en automne.

Étude d'une tortue
Les biologistes et les naturalistes du parc, comme Brad, étudient ces espèces. N’oubliez pas : en tant que visiteur du parc, vous ne devez pas tenter d’attraper vous-même un animal sauvage 🙂

Évidemment, lorsque j’ai repéré cette tortue j’ai posé mon canot au sol et j ‘ai sauté dans le fossé pour tenter de l’attraper afin de pouvoir prendre diverses mesures comme sa longueur, son poids, et noter toutes les particularités possibles afin de la reconnaître si je la rencontrais à nouveau.

L’eau avait une profondeur d’environ trois pieds et était tellement froide que pendant un moment j’ai songé à me joindre à une chorale. Toutefois, tâtonner au fond d’un fossé plein d’eau, de feuilles et de bouts de bois manque totalement de charme et est plus difficile qu’il n’y paraît. Après quelques minutes de recherche et réalisant que l’eau glacée du fossé atteignait maintenant mes aisselles, j’ai un peu perdu de mon enthousiasme.

J’ai finalement jeté l’éponge. Je suis sorti de l’eau, j’ai repris mon canot et j’ai poursuivi ma route vers ma voiture, mes bottes faisant «flic floc» à chacun de mes pas.

Ce n’est qu’après avoir attaché mon canot et avoir repris le chemin de la maison que j’ai remarqué que je n’avais plus mon alliance. Il n’y avait à la place qu’une bande de peau un peu plus pâle que le reste.

J’ai songé à retourner la chercher, mais il faisait noir et j’étais transi et trempé.

Donc quelque part, au cœur du parc provincial Algonquin, une tortue mouchetée passe l’hiver à roupiller en compagnie de mon alliance.

Brad with a turtle hatchling

(L’alliance a depuis été remplacée, et ma femme m’a généreusement accordé un pardon conditionnel, mais je sais qu’au printemps prochain je n’aurai pas le choix. Je devrai plonger au fond du fossé.)