Grenouille des bois.

La grenouille prodige que vous pourriez ne jamais voir ni entendre

Le billet d’aujourd’hui provient d’un membre du personnel du programme Découverte de Charleston Lake.

Les adeptes des grenouilles ne seront pas déçus au parc provincial Charleston Lake. Les plus grosses grenouilles, comme les ouaouarons, les grenouilles vertes et les grenouilles léopards, sont facilement visibles ou audibles autour des étangs et des rives, des zones humides et des prés.

Mais c’est déplorable qu’une autre grenouille commune des parcs soit si peu connue et appréciée.

Elle passe probablement inaperçue en raison de sa petite taille et du fait que les mâles reproducteurs n’appellent que pendant une courte période au début du printemps. Le caractère insaisissable de ces grenouilles est encore accentué par le fait qu’elles quittent leur étang de reproduction immédiatement après la brève période d’accouplement, et qu’elles passent la majeure partie de leur vie sur le sol de la forêt dans un silence relatif. En fait, on les trouve rarement dans l’eau.

Cette grenouille discrète, qui aime la terre, est appelée à juste titre grenouille des bois, car elle passe la plupart de son temps dans les bois.

La plus robuste des grenouilles

Si vous avez la chance d’en apercevoir une, vous verrez que la grenouille des bois a un aspect particulier, avec une peau brune ou brun-rougeâtre et un masque foncé caractéristique sur les yeux. Les adultes mesurent environ trois à huit centimètres de long.

Grenouille des bois.

Elles sont très communes dans le Nord-Est de l’Amérique du Nord, étant réparties plus loin au nord que toute autre grenouille nord-américaine. On peut même les trouver au-delà du cercle polaire arctique, ce qui est assez étonnant pour un animal à sang froid!

Ce qui lui manque en taille et en volume sonore, la grenouille des bois le compense par sa ténacité et son ingéniosité. Peu d’animaux sont aptes à réaliser les fabuleux exploits de survie de la grenouille des bois, comme résister au gel interne, à l’hypothermie et à des conditions semblables au diabète, puis apparemment ressusciter.

Nous considérons cet étonnant amphibien comme un héros méconnu, et nous souhaitons donc présenter les merveilles de cette « grenouille prodige ».

Pas de temps à perdre

Commençons au début du printemps, lorsque cette grenouille est l’un des premiers amphibiens à s’élancer des blocs de départ.

Après avoir passé l’hiver sur la terre ferme, hibernant sous les feuilles sur le sol forestier, les grenouilles des bois se dirigent immédiatement vers leurs bassins de reproduction préférés dans la forêt lors des premières pluies chaudes (5°C) du printemps.

Elles peuvent même commencer à se reproduire alors qu’il y a encore de la neige au sol et de la glace sur les bords de leurs bassins de reproduction.

Pour entendre le cri de la grenouille des bois (qui ressemble un peu au caquètement d’un canard), il faut tendre l’oreille à la fin mars ou au début avril.

Grenouille des bois dans l’herbe.

Les grenouilles des bois sont des « reproducteurs impétueux » qui se livrent à une course contre la montre en matière de reproduction. Elles se reproduisent dans des bassins temporaires peu profonds dans la forêt (sans poissons prédateurs) qui s’assèchent en été. Elles doivent donc se reproduire tôt pour permettre à leurs œufs, puis à leurs têtards de se développer avant que leurs bassins ne s’assèchent.

Ainsi, la période d’accouplement est très courte.

La réunion annuelle

Ces grenouilles migrent en masse, et la totalité de la population de la région se déplace de nuit, la plupart arrivant une nuit particulière (bien que les bassins voisins puissent avoir un calendrier légèrement différent).

On a recensé jusqu’à 4 000 individus investissant un seul bassin dans une période de trois heures.

Une fois dans les bassins de reproduction, de nombreux mâles se mettent à appeler (une activité extrêmement exigeante en énergie en soi), luttant et se bousculant entre concurrents pour se reproduire avec les femelles qui arrivent dans les bassins. Un exploit remarquable si l’on considère que les grenouilles des bois n’ont pas mangé depuis environ huit mois et qu’elles ne se nourriront qu’après la période de reproduction.

Une seule femelle peut pondre de 500 à plus de 3 000 œufs. De façon remarquable, les femelles ont la capacité étrange d’éviter de pondre leurs œufs dans des bassins où se trouvent des poissons (qui pourraient facilement décimer les œufs et les têtards émergents).

Les adultes ne restent que quelques jours (généralement pas plus de deux semaines) dans les bassins de reproduction avant de retourner dans la forêt.

C’est peut-être la dernière fois que de nombreux adultes se trouvent dans l’eau, car beaucoup ne survivront pas pour se reproduire au printemps suivant. Ils peuvent parcourir de 400 à 800 m (certains plus d’un kilomètre!) depuis leur bassin de reproduction, une distance considérable pour un animal de moins de 10 cm qui se déplace en sautillant.

Dans leur course contre la montre, les œufs de grenouille se développent rapidement, en quatre jours à peine, ou en plusieurs semaines (plus la température est élevée, plus le développement est rapide). Les têtards grandissent rapidement et se transforment en jeunes grenouilles en six à quinze semaines.

Déjouer les proies

Les adultes passent le reste du printemps et l’été sur le sol forestier à chercher de la nourriture tout en évitant les nombreux prédateurs potentiels. Ils se nourrissent de toute une gamme d’invertébrés, tels que carabes, grillons, papillons, chenilles, vers de terre, escargots et araignées.

Une couleuvre mince au bord d’une zone humide.
Une couleuvre mince grignoterait volontiers une grenouille des bois

Les prédateurs des grenouilles des bois adultes comprennent des espèces de grenouilles plus grandes, des serpents, des hérons, des ratons laveurs, des mouffettes et des visons. Lorsqu’elles sont menacées sur terre, elles font souvent quelques bonds imprévisibles, puis se figent et semblent disparaître dans le tapis de feuilles et la végétation.

Comas diabétiques provoqués

À la fin de l’automne, les grenouilles des bois recourent à leur stratégie de survie peut-être la plus remarquable : elles gèlent pour l’hiver!

Pour la plupart des animaux, le gel signifie la mort assurée, mais pas pour les grenouilles des bois.

De nombreux insectes fabriquent à l’avance des substances chimiques de tolérance au froid, tandis que certaines plantes se « durcissent » en vue de l’hiver.

Étonnamment, les grenouilles des bois n’entreprennent pas de préparation interne.

Grenouille des bois dans les feuilles.

Elles attendent plutôt que de la glace se forme sur leur peau. Mais, phénomène incroyable, environ cinq minutes après que leur peau a commencé à geler, les grenouilles réagissent en produisant d’énormes quantités de glucose (un sucre commun) dans leur sang et leurs tissus. Le glucose agit comme un antigel naturel, entraînant la formation de glace dans les espaces entre les cellules de la grenouille, et non à l’intérieur des cellules (ce qui serait fatal). Jusqu’à 65 % de l’eau totale du corps de la grenouille peut geler dur!

Les grenouilles accumulent des taux de glucose dans le sang à une vitesse phénoménale, ce qui nous plongerait dans le coma, nous les humains. Après le gel, les grenouilles des bois affichent un taux de glucose sanguin environ 45 fois supérieur à celui d’une personne moyenne, et remarquablement, elles ne semblent pas souffrir de diabète ou d’autres effets néfastes.

Dormance et résurrections saisonnières

Les grenouilles des bois passeront l’hiver par terre, recroquevillées sur le sol forestier, la tête en bas, les membres bien repliés sur les côtés, souvent simplement sous des feuilles ou des rondins tombés au sol, puis ultérieurement recouvertes de neige.

Elles ne souffrent pas d’hypothermie ou d’engelures.

Pendant leur hibernation, elles ne respirent pas, leur cœur ne bat pas, elles ne digèrent pas de nourriture et n’ont aucune activité cérébrale! Un humain trouvé dans cet état serait déclaré cliniquement mort.

Cependant, au printemps, les grenouilles des bois dégèlent remarquablement et « reviennent à la vie ». Elles présentent des réactions corporelles normales dans les 24 heures suivant la dégel (en laboratoire), et se rétablissent complètement en quelques jours.

La grenouille des bois n’est rien de moins qu’une merveille biologique

Les grenouilles des bois se reproduisent au début du printemps, alors qu’il peut encore y avoir de la neige et de la glace, et se lancent dans une course effrénée pour que leurs têtards se développent avant que leurs bassins de reproduction ne s’assèchent.

Grenouille des bois.

En hiver, elles peuvent geler – une mort assurée pour la plupart des autres animaux – puis « revenir à la vie » le printemps suivant.

Cette grenouille prodige repousse les limites de la survie animale. Pas mal pour une petite grenouille sans prétention!